Diagnostic de la pollution et perspectives de remédiation à la chlordécone aux Antilles

National audienceLa chlordécone, molécule organochlorée de synthèse, était utilisée aux Antilles comme insecticide contre le charançon du bananier de 1972 à 1993. Depuis 2000, des contrôles ont montré que cette molécule contaminait encore les eaux de rivière et de source, certaines denrées alimentaires, et des organismes aquatiques, y compris marins. Des mesures ont alors été prises pour limiter l’exposition des consommateurs, en particulier, l’épuration des eaux distribuées, l’interdiction ou l’encadrement des cultures et des pêches, la fixation d’une limite maximale de résidu pour tous les aliments, à 20 μg/kg de poids frais.La recherche agronomique s’est mobilisée de façon concertée pour fournir rapidement des connaissances en réponses aux questions posées par la gestion de cette crise.Où les sols sont-ils pollués? Des cartes de risques de pollution des sols, fondées sur leur occupation rétrospective en bananeraies, ont été établies. C’est ainsi que les parts de surface agricole utile polluées sont 1/5e pour la Guadeloupe et 2/5e pour la Martinique.Combien de temps va durer la pollution? La chlordécone était épandue sur des sols volcaniques, riches en argiles et en matière organique, sur laquelle elle s’est fortement fixée. Seul son lessivage par les eaux percolant dans les sols assure sa lente dissipation, elle ne se dégrade pas dans les sols aérés. Sa persistance est donc longue, de quelques décennies à quelques siècles selon l’affinité des sols pour la molécule. Ainsi, pour des épandages passés identiques, les sols les moins pollués, qui seront assainis le plus tôt, ont aujourd'hui la plus forte capacité de contaminer les cultures et les eaux. Les sols restent la principale source de pollution du milieu.Comment se fait la contamination des cultures? Les organes souterrains sont les plus contaminés car ils sont en contact avec la solution du sol. Cependant les parties aériennes sont aussi contaminées par la chlordécone entraînée dans le flux de sève brute, des racines aux feuilles. La contamination des organes récoltés dépend alors de leur position dans ce flux et des tissus « filtres » traversés. Ces connaissances permettent de suggérer les cultures possibles selon le niveau de pollution d’un sol. Certains produits agricoles restent indemnes malgré la pollution (fruits d’arbres, banane, ananas, tomate, piment…).Comment remédier à la pollution des sols? Même pollués, ils conservent leur potentiel de fertilité, il convient alors de définir les cultures, les systèmes d’élevage et les pratiques compatibles avec les niveaux de chlordécone biodisponible des sols et limitant les transferts. Les solutions de dépollution ne sont ni simples ni rapides, un effort collectif de recherche est engagé sur des voies peu explorées : dégradation par des consortiums microbiens, conditions écologiques de la dégradation, couplages de méthodes. En aval, tant que la dépollution des sols ne sera pas effective, leur lessivage contaminera les eaux souterraines et de surface, et les écosystèmes côtiers.Que les surfaces agricoles soient polluées ou indemnes, la mise au point de pratiques économes en intrants, minimisant leurs pertes, permettant de maintenir, voire de restaurer, la qualité environnementale exceptionnelle de ces îles sera au coeur de nos enjeux scientifiques