Les juristes et l'Organisation internationale du travail : processus de légitimation et institutionnalisation des relations internationales

International audienceEstablished in 1919 by Part XIII of the Treaty of Versailles, the ILO is the result of a political compromise intended to meet the expectations of public opinion while avoiding a major social crisis in a context of demobilization and Communist revolutionary contagion. In the short time of the social history of the industrial world, its creation is a continuation of the nebulous reformer of the social question, as in the dynamics impelled by the international trade union movement during the war. Conceived as a tripartite organization associating employers and workers representatives with States, it focuses its activity on the elaboration of international labor legislation which it bases on humanist values ​​and a fundamental principle inscribed in the first lines of the preamble of the Part XIII: the indissoluble link between the promotion of social justice and the establishment of universal peace. The present study is based on the examination of these legal productions which account for the polemical nature of the debates which cross and surround the nascent institution, in particular in the Twenties. At the same time, they legitimize the ILO as the site of a deeply innovative experience in the field of contemporary international relations which would illustrate a questioning of the presuppositions of the Westphalian system brought about by the growing interdependence of societies and states . By inscribing this organization in a temporality of modernity, this production translates the significance of political and social issues in legal discourse. The empirical and concrete character of the legitimation process is illustrated by the validation of practices contested by certain socio-professional groups, or by certain States, by the voice of diplomats or licensed jurists, which concern the nature of the institution, its areas of competence and its normative capacity.Instituée en 1919 par la Partie XIII du Traité de Versailles, l'OIT (ILO) est le résultat d'un compromis politique destiné à répondre à l'attente des opinions publiques tout en évitant une crise sociale majeure dans un contexte de démobilisation et de contagion révolutionnaire communiste. Dans le temps court de l'histoire sociale du monde industriel, sa création s'inscrit dans la continuité de la nébuleuse réformatrice de la question sociale, comme dans la dynamique impulsée par le mouvement syndical international pendant la guerre. Conçue comme une organisation tripartite associant aux Etats des représentants patronaux et ouvriers, elle centre son activité sur l'élaboration d'une législation internationale du travail qu'elle fonde sur des valeurs humanistes et un principe fondamental inscrit dans les premières lignes du préambule de la Partie XIII : le lien indissouble existant entre la promotion d'une justice sociale et l'établissement d'une paix universelle. La présente étude se fonde sur l’examen de ces productions juridiques qui rendent compte du caractère polémique des débats qui traversent et entourent l’institution naissante, notamment dans les années vingt. Ils procèdent dans le même temps à une légitimation de l’OIT comme lieu d’une expérience profondément innovante dans le domaine des relations internationales contemporaines qui illustrerait une remise en cause des présupposés du système westphalien induite par l’interdépendance croissante des sociétés et des Etats. En inscrivant cette organisation dans une temporalité de la modernité, cette production traduit la prégnance des enjeux politiques et sociaux dans le discours juridique. Le caractère empirique et concret du processus de légitimation s’illustre par la validation de pratiques contestées par certains groupes socio-professionnels, ou par certains Etats, par la voix de diplomates ou de jurisconsultes patentés, qui concernent la nature de l’institution, ses domaines de compétence et sa capacité normative