Militants et riverains dans la dynamique des causes environnementales: Approche sociologique des syndromes d'hypersensibilité chimique

On the 19th of October 2010, an article of Chemical Sensitivity Network reported that a child “with MCS had said: `I wish I had a cancer because at least my condition would be recognized.’” Why, indeed, has MCS drawn less attention than cancer? This quote in itself could summarize this thesis, which concerns the social conditions in which spaces of debate on chemical-related environmental problems can arise.My work relies on a study of three environmental health problems. The first problem is related to the use of perchloroethylene in laundries for dry cleaning. The question which the second problem deals with concerns the health impacts of the pollution around the étang de Berre, an industrial area near Marseilles. The third problem refers to the controversy over the reality of “Multiple Chemical Syndrome”, an “environmental disease” which emerged at the beginning of the 1980s.The analysis of these three issues has made it possible to grasp the way in which a collective dynamic has formed from the investigations that the residents, the sick persons, the victims, their close relations, physicians and public authorities have undertaken to understand some singular experiences and to resolve their doubts. Through these investigations, the actors question facts, previously taken for granted; they take part in defining the problem, and they create spaces of debate about the relationship between chemicals and health. I show that conflict drives this process. Therefore, it is important to pay attention to the different forms taken by the conflict.Finally, these three problems would not exist without the intervention of residents and victims who break the boundaries of expertise. This thesis is the opportunity to question the position of these laypeople who are often reduced to figures of either selflessness or gullibility.Le 19 octobre 2010, un article du blog Chemical sensitivity network raconte que « certains enfants atteints de MCS [hypersensibilité chimique multiple en français] ont déclaré : “Je souhaiterais avoir un cancer, car au moins mon état serait reconnu” ». Pourquoi, en effet, l’hypersensibilité chimique multiple ne connaît-elle pas la même attention que le cancer ? Cette question pourrait résumer cette thèse dont l’objet est de comprendre les conditions sociales rendant possible l’ouverture d’espaces d’expression concernant les effets environnementaux et sanitaires des substances chimiques. Ce travail de thèse s’appuie sur l’étude de trois problèmes sanitaires et environnementaux. Le premier problème est relatif à l’utilisation du tétrachloroéthylène dans les pressings pour le nettoyage à sec. Le deuxième problème concerne la question des effets sanitaires de la pollution du pourtour de l’étang de Berre, près de Marseille. Enfin, le troisième dossier traite de la controverse sur la réalité du « syndrome d’hypersensibilité chimique multiple » (MCS), qui est une « maladie environnementale » apparue au début des années 1980.L’étude de ces trois problèmes permet d’appréhender la manière dont une dynamique collective se constitue à partir d’« enquêtes » que les riverains, les malades, les victimes, leurs proches, les médecins, les pouvoirs publics entreprennent pour comprendre certaines expériences singulières et résoudre leurs doutes. À travers ces « enquêtes », les acteurs remettent en question certains faits qui semblaient établis, participent à la définition du problème et créent des espaces d’expression sur le lien entre les substances chimiques et la santé. On montrera que ce processus est animé par des dynamiques conflictuelles. Pour cela, il importera d’être attentif aux différentes formes prises par le conflit. Enfin, ces trois problèmes n’existeraient pas sans « profanes » qui transgressent les frontières de l’expertise. Cette thèse constitue l’occasion d’interroger à nouveau cette notion qui est trop souvent réduite à la figure de l’individu désintéressé au sens « utilitariste » et cognitif du terme, et l’individu « passionné », irrationnel voire manipulé