Enfance et ordre colonial. La politique sanitaire au Sénégal : discours et réalités (1930-1960)

International audienceL’existence d’une politique de santé infantile cohérente, menée par les pouvoirs coloniaux est, au Sénégal, une donnée relativement récente. L’œuvre sanitaire et l’action médicale se limitant pour l’essentiel, jusqu’aux années 1930, à la recherche d’une prophylaxie scientifique centrée sur la nosologie et la nosographie des affections, la prise en compte de la population infantile dans la politique sanitaire resta, sinon inexistante, du moins fort modeste.Les progrès fort limités réalisés dans l’étiologie et l’épidémiologie, les résultats encore modestes de la microbiologie et de l’entomologie déterminèrent les priorités sanitaires d’abord centrées sur la prévention et le développement de l’hygiène destinés au contrôle, à défaut de leur éradication, des grandes endémo-épidémies affectant, de manière permanente l’ensemble des composantes démographiques de la colonie.L’insuffisance des connaissances des incidences de la malnutrition sur les pathologies conditionnait, dans un tel contexte, une mortalité infantile et une mortinatalité importantes, mettant en évidence le rôle crucial du péril alimentaire dans la première enfance.En dépit des initiatives prises à partir de 1930 pour la protection maternelle et infantile, la conclusion d’une enquête démographique effectuée en AOF, après avoir confirmé que l’accroissement de la population africaine était laminé par la mortalité infantile, dressait un tableau des moins reluisants : avortement pathologique, mortinatalité et mortalité infantiles se chiffrant par un déchet considérable, 15 à 20% des grossesses n’aboutissant pas à des naissances vivantes, disparition avant l’âge de 15 ans de la moitié des enfants. A partir de ce moment, devant la gravité du fléau occasionné par l’épineux problème de la mortalité et de la morbidité infantiles dans la colonie et face aux impératifs de réalisation du projet colonial, il importait d’inverser la tendance démographique en ciblant les facteurs du fléchissement avant de prendre des mesures appropriées pour redresser la situation.La présente réflexion tente de répondre aux questions suivantes : Quels sont les moyens et les stratégies mis en œuvre, autrement dit quelle politique sanitaire les autorités coloniales ont-elles menée pour protéger les groupes vulnérables, notamment les enfants, les femmes gestantes ou allaitantes ? L’action sanitaire et l’œuvre médicale obéissent-elles à une notion humanitaire ou répondent-elles aux impératifs de mise en valeur et d’exploitation de la colonie ? Quel bilan peut-on dresser de la politique de santé infantile