Étude du comportement élastique et du problème Ko pour les argiles structurés de l'est du Canada

Le comportement mécanique des argiles structurées tel que rencontrées dans l'est du Canada a, depuis une trentaine d'années, été au centre des préoccupations des géotechniciens. Ces argiles en effet affichent deux phases structurales fondamentalement différentes et une bonne majorité d'entre elles présentent un surplus de résistance acquise à la suite de processus autres que l'érosion géologique. Pour ces argiles, le passage d'un état structural à l'autre pose de sérieux problèmes de stabilité au sens large du terme. L'on peut citer entre autres, la rupture par bifurcation, la diminution ou la stagnation de la résistance au cisaillement, le tassement excessif et le fluage. Cette thèse présente une compréhension d'ensemble et cohérente d'aspects critiques du comportement relatifs au domaine surconsolidé des argiles structurées; principalement l'effondrement (état Iimite) et la rupture et un traitement rationnel du problème des contraintes effectives in situ actuelles (le problème Ko). Elle propose ainsi une approche de laboratoire pour résoudre ce problème. Le travail de recherche effectué pour atteindre ces deux objectifs repose sur deux principes directeurs, à savoir, le regain ou la perte de compétence du squelette argileux lors de sa recompression (reconsolidation ou cisaillement) en laboratoire et la déformabilité de ce même squelette selon les deux directions verticale et horizontale. Afin de servir ces deux principes sur le plan expérimental, une technique de mesures non-destructive a été mise à profit pour la majeure partie du travaiI expérimental effectué. Cette technique est normalement utiIisée pour établir la réponse dynamique des sols, à savoir, la colonne de résonnance. En sollicitant un échantillon de sol à un très faible niveau de déformation, cette technique permet d'anticiper la compétence de son squelette par le biais de la mesure simultanée de son module de cisaillement G0o et de son rapport d'amortissement Do. Cette façon d'investiguer est parue appropriée, d'autant plus, que cette technique est facilement intégrable à l'essai triaxial conventionnel et n'entrave aucunement son déroulement. Tout d'abord, l'investigation de l'effondrement des argiles impliquées dans cette recherche au moyen d'essais de consolidation triaxiale a révélé que, lorsque les données sont interprétées sur la base des deux déformabilités verticale et horizontale, leur état limite est anisotrope. En effet, pour des cheminements triaxiaux qui imposent au matériau une prépondérance de la contrainte effective moyenne (formule : voir document), l'effondrement du matériau selon le sens vertical survient à un niveau de contraintes bien supérieur à celui auquel se produit l'effondrement selon le sens horizontal. En plus, pour le domaine pré-effondrement, ces argiles affichent des caractéristiques de déformabilité anisotropes. Après une investigation poussée de la recompression de l'une d'elles (argile de B-2), il s'est avéré que ce comportement est issu du système de contraintes anisotrope qui se serait installé dans les sédiments peu après la fin de leur déposition et lequel, suite à des processus fort complexes, se serait amplifié isotropiguement conférant ainsi au squelette argileux deux pressions limites intrinsèques distinctes d'effondrement (formule : voir document) de même que deux bornes inférieures auxquelles s'initie, de manière indépendante, le processus de détérioration (destructuration) du squelette du sol le conduisant progressivement vers l'effondrement. Ces quatre niveaux de contraintes peuvent être déterminés, deux à deux, en reconsolidant le sol suivant les deux conditions oedométriques (formule : voir document). D'un autre côté, l'analyse des mesures non-destructives prises à l'aide de la technique de la colonne de résonnance a révélé que, lors de la reconsolidation triaxiale, s'effectue un resserrement interparticulaire résultant pour le squelette argileux en un regain de compétence, et ce, jusqu'à un niveau de contraintes qu'on a convenu d'appeler "limite pseudo-éIastique", où par la suite, la sollicitation au-delà de cette Iimite, entraîne la détérioration accrue de sa structuration et l'apparition de la composante visqueuse du comportement (celle qu'on rapportent généralement pour les argiles quasi-préconsolidées dans le domaine pré-effondrement). En fait, à l'atteinte de cette Iimite, iI se produirait un déliement homogène de masse des contacts interparticulaires initiant la perte graduelle de la structuration. Le lieu géométrique de l'ensemble de ces Iimites pseudo-élastiques identifiées sur les cheminements de reconsolidation (e.g. des cheminements n'aboutissant pas à une rupture bifurcatoire) forme, dans l'espace des contraintes, une enveloppe ellipsoïdale semblable, de par sa forme, à l'enveloppe d'effondrement et dont la position est indépendante de la vitesse de sollicitation. Cette enveloppe correspond, en plus, au lieu géométrique des pressions d'initiation (bornes inférieures) de la destructuration mentionnées un peu plus haut. Parallèlement, le traitement des mesures non-destructives prises au cours des cisaillements non-drainés de même que l'analyse de ces mêmes mesures effectuées pendant des cisaillements drainés (des cheminements aboutissant à une rupture bifurcatoire) ont permis d'identifier une Iimite de fatigue située en-dessous de l'enveloppe de bifurcation (enveloppe de résistance structurée) dans la région non couverte par les essais de consolidation triaxiale (là où iI y a prépondérance accrue du déviateur q). Par ailleurs, l'analyse paramétrique des données de mesures non­destructives, en l'occurrence celles du module de cisaillement Go mesuré à de très faibles déformations a mis en cause la distorsion imposée au squelette argileux, pendant la reconsolidation, en tant que principal facteur générateur d'endommagement des liens structuraux du matériau argileux. Ainsi, basée sur ce fait, une fonctionnelle est développée pour exprimer le taux de regain de compétence du squelette argileux pendant la consolidation. De ce fait, le cheminement de consolidation qui ne cause pas de distorsion au sol est celui qui résulte, pour celui-ci, en un taux de regain de compétence le plus élevé. La mise à contribution de l'évolution de la déformabiIité lors de la recompression (anisotropie des modules de déformation) et la notion de regain de compétence a permis de développer une approche rationnelle du problème Ko. L'application du nouveau principe sur une base universelle (e.g.: sans égard à l'origine de la surconsolidation) sur les cinq (5) sites étudiés a donné des valeurs très réalistes qui se comparent bien aux valeurs déterminées sur le terrain par claquage hydraulique. En pIus, le nouveau principe sembIe confirmer l'hypothèse à l'effet que la composante majeure de la surconsolidation d'une argile ayant présumément subi un préchargement est celle qui est due à l'érosion, et que pour une telle argile, la contrainte horizontale qui prévaut in situ est résiduelle issue de la période où le dépôt argileux était à l'état normalement consolidé. Par ailleurs, la distorsion n'est pas seuIement un facteur d'endommagement lors de la reconsolidation. Elle est également un facteur de détérioration, et ce, à partir du moment où le matériau atteint son niveau de compétence maximal. Ainsi, pour une argile quasi-préconsolidée, l'effondrement unidirectionnel (état Iimite) apparaît comme une conséquence ultime de l'accumulation, à partir de l'enveloppe pseudo-élastique, d'une quantité spécifique de déformation de distorsion non-linéaire. Pour l'argile de B-2, elle est d'environ 0.4% pour la distorsion positive; tandis qu'elle est de l'ordre de 0.25% pour la distorsion négative. Etant donné le caractère visqueux du comportement du matériau argileux en-dehors du domaine pseudo­élastique, ces deux quantités de distorsion risquent d'être accumulées, avec le temps, sous des sollicitations maintenues pour de longues périodes de temps amenant le matériau argileux à s'effondrer sous un niveau de contrainte inférieur à celui établi à une vitesse de cha gement conventionnel. Finalement, une synthèse d'ensemble mettant à profit les conclusions les plus importantes de l'étude a permis d'expliquer dans des cas et d'analyser dans d'autres des comportements spécifiques aux argiles structurées tel que rencontrées dans l'est du Canada. Ainsi, une frontière en déformation est établie pour séparer, en tant que phénomène physique, l'effondrement de masse et la rupture bifurcatoire. A cet égard, l'évoIution de Ia déformation IatéraIe (formule voir document) apparaît, jusqu'à présent, comme un critère valable pour statuer sur la susceptibiIité du sol argileux à développer une rupture bifurcatoire ou un effondrement homogène de masse. En plus, la même synthèse a permis de diviser l'espace des contraintes en des zones tensorielles de comportement, à l'aide desquelles, iI sera plus simple d'analyser conceptuellement des problèmes géotechniques tel que la stabiIité des pentes et le remblai sur fondation et préciser les conditions de chargement comportant des risques de rupture par bifurcation. Dans un autre ordre d'idées, la caractérisation dynamique des argiles étudiées aura permis de mieux percevoir le surplus de raideur que possèdent les argiles structurées par rapport à celles dont la surconsolidation est issue uniquement d'un préchargement géologique. D'un autre côté, la normalisation du module de cisaillement mesuré à de très faibles amplitudes de cisaillement Go par rapport à la résistance au cisaillement non-drainée Su mesurée in situ, lorsque exprimée en fonction du rapport OCR, permet d'établir le profil de variation de Go pour fins d'analyse de réponse dynamique. La réduction de module G en fonction du niveau de déformation de la loi hyperbolique modifiée de HARDIN-DRNEVICH traduit relativement bien le comportement de l'argile de B-2 à cet égard. Cependant, l'allure de la courbe de l'augmentation du rapport d'amortissement en fonction du niveau de déformation de cette même argile s'apparente mieux à la courbe moyenne établie par SEED-IDRISS pour ce rapport