Stendhal et son autobiographie

Stendhal a entrepris d'écrire l'oeuvre autobiographique, Vie de Henry Brulard en 1835. , c'était le rêve de sa jeunesse; c'est pourquoi il avait commencé à écrire le journal quand il avait 18 ans, mais pour lui, écrire l'histoire de sa vie jour après jour n'avait guère de valeur puisque l'écriture est toujours en retard sur la vie. Stendhal voudrait tenter de réécrire sa vie et de la ciseler à sa guise dans les mots. Ainsi va-t-il de l'écriture au jour le jour au récit retrospectif. Mais avant de constater ce changement-là, il faudrait regarder de près ce processus à travers ses oeuvres romanesques : Le Rouge et le Noir et Lucien Le/Men. Dans La Vie de Henry Brulard, oeuvre autobiographique, le narrateur, c'est-àdire Stendhal, rapproche l'émotion passionnée de l'émotion esthétique et il les rapporte à l'origine de l'écriture. Il avait déjà constaté que (la mémoire n'est que la mémoire de ma sensibilité) , il a toujours tout écrit comme Rossini écrit sa musique. Il a écrit en évoquant la joie et le bonheur de son enfance : (Encore aujourd'hui, la même sensation m'est souvent donnée par un tableau ou par un morceau de musique) Mais peindre le bonheur, c'est raconter des choses indicibles. Pourtant le narrateur ne prétend pas peindre les choses elles-mêmes, mais seulement leur effet sur lui. (On ne peut pas apercevoir distinctement la partie du ciel trop voisine du soleil, par un effet semblable, j'aurai grand peine à faire une narration raisonnable de mon amour pour Angela Pietragrua (...) On gâte des sentiments si tendres à les raconter en détail) , dit-il. Mais si l'écriture suscite l'émotion, elle ne suscite pas seulement l'émotion, elle en est le lieu même. (Ecrire, c'est revivre : le temps de l'écriture et le temps du souvenir, le présent du moi écrivant et le passé du moi écrit se fondent dans le même tremblement, dont le manuscrit, matériellement, porte trace) , Danièle Renaud a insisté en présentant Vie de Henry Brulard. L'autobiographie stendhalienne ne cesse de se demander: (Qu'ai-je été, qui suis-je") ; le narrateur fait de grandes découvertes sur son compte en écrivant les mémoires de sa sensibilité. Pour lui, écrire, c'est se découvrir. Plume à la main, le narrateur se voit renaître, donc écrire, c'est s'inventer. Voilà le vrai sens de l'écriture autobiographique de Stendhal