Une autre histoire du corps. Du « Mind-Body Problem » au corps propre/vécu. Le corps et la critique

Il est désormais acquis : ce que la philosophie a appelé, depuis toujours, « corps » (soma, corpus, body etc.), le corps de l’homme, a une histoire. Et si l’on prend au sérieux cette acquisition on ne pourra pas se passer de la considération parallèle que l’entité abstraite, atemporelle « corps » (body) opposée à un esprit (mind) autant abstrait et atemporel – objets d’une querelle interminable durée plus de trois siècles, depuis Descartes – sont deux entités concrètement et logiquement erronées. Il y a une autre histoire du corps, qui n’est pas l’histoire du « Mind body problem ». Les philosophies contemporaines du corps, après Spinoza et Nietzsche, ont reconnu « la grande raison du corps » et son immanence concrète à la vie, l’être propre d’un bios corporel, historique et individuel-matériel qu’on devrait soumettre à une opération, primaire, de critique, analogue à cette fameuse critique que Kant a appliqué jadis à la « raison pure ». C’est ce que ce colloque ambitionne de faire, par l’ensemble de ses communications. Quel est donc la relation entre la critique et le corps ? Si le but de la critique est de mettre en question les prétentions de la pensée à l’égard de la vérité, qui dans le cadre de la philosophie occidentale a été toujours conçue comme une valeur transcendante, le corps, en tant qu’instance de l’immanence, est le seul fil conducteur que la critique peut véritablement adopter. Mais du point de vue de l’immanence, le corps ne peut pas être le simple « support » matériel de la pensée consciente, il doit être repensé. Certains philosophes comme Spinoza, Hume, Nietzsche, peuvent nous aider à reformuler une nouvelle image du corps comme étant la dimension finie ouverte sur l’infini de la vie. Ainsi, on peut essayer d’élaborer une critique qui soit, en même temps, déconstruction des idéaux de la transcendance et production du sens et des valeurs immanents