Narrateur, narration et roman à thèse dans \u3ci\u3eSérotonine\u3c/i\u3e

Le narrateur autodiégétique de Sérotonine, on l\u27a déjà souvent remarqué, fait le portrait d\u27une dépression (la sienne) et oppose tradition et modernité, agriculture et industrie, campagne et ville, amour ou sexe (c\u27est, semble-t-il, un peu la même chose) et solitude ou séparation. Il souligne également les multiples formatages dont nous somme victimes, les nombreux mécanismes qui nous emprisonnent, tout en admettant que nous ne sommes pas entièrement déterminés et tout en détaillant une imposante série d\u27occasions perdues (qu\u27il s\u27agisse de proposer le mariage à la femme qu\u27on aime, de lui expliquer une infidélité ou de se tuer dans un accident de voiture). Agé de quarante-six ans, veule, dépressif, impuissant, le narrateur est ingénieur agronome (spécialisation d\u27écologie). Après l\u27Agro, il a travaillé pour Monsanto puis pour le ministère de l\u27Agriculture. Il s\u27appelle Florent-Claude Labrouste et déteste son prénom, qui convient à sa situation sinon à son apparence. La combinaison Florent-Claude lui paraît ridicule (il préfère son second prénom, Pierre) et, comme il le dit lui-même, Florent, qui évoque les fleurs, est trop doux, trop proche du féminin Florence [et] ne correspond nullement à [s]on visage aux traits énergiques. Claude fait penser aux Claudettes, les danseuses de Claude François, mais aussi aux reines-claudes et à la claudication. Quant au nom Labrouste , il connote la brousse et le broutage. D\u27autres appellations dans Sérotonine ne sont pas moins parlantes. C\u27est ainsi que Kate , le nom du premier amour du protagoniste, veut dire pure à l\u27origine; Camille Da Silva, celui de la femme de sa vie, rappelle le camélia aussi bien que la forêt et renvoie étymologiquement aux jeunes filles nobles qui participaient aux rites sacrés; Aymeric d\u27Harcourt-Olonde, le meilleur (et seul) ami de Florent-Claude, porte un nom qui remonte au Moyen Age; Cécile, l\u27épouse de ce nouveau chevalier qu\u27elle abandonne pour un pianiste, s\u27appelle comme la patronne des musiciens; et le docteur Azote (sans vie), qui consulte rue d\u27Athènes, est onomastiquement bien approprié