Adaptations matrimoniales face à deux situations de crise, aiguë ou chronique, en milieu rural sahélien

Cet article étudie les changements matrimoniaux associés à deux types de crise : d'une part une crise conjoncturelle aiguë, celle de la sécheresse des années soixante-dix chez les Bwa du Mali, d'autre part une crise structurelle chronique, celle qui affecte le pays Sereer (Sénégal) depuis une vingtaine d'années. Chez les Bwa, la sécheresse de 1973-74 a profondément perturbé l'entrée en union des générations qui avaient l'âge de se marier ces années-là. Les hommes ont connu des ruptures de fiançailles fréquentes, une prolongation des processus matrimoniaux et un premier mariage plus tardif. Cependant des mécanismes d'adaptation et même de "rattrapage " ont été mis en oeuvre : ces hommes sont tous parvenus à se marier en épousant plus souvent une femme non célibataire et ont même compensé leur célibat prolongé en devenant plus rapidement polygames. Les générations féminines ont, quant à elles, subi un report des fiançailles mais, grâce à une accélération des procédures matrimoniales et à la conclusion plus fréquente des unions avec des hommes non célibataires, ce report n'a pas conduit à un recul de leur âge au mariage. Ces réactions face à la sécheresse, pour spectaculaires qu'elles soient, n'ont été que temporaires. Les pratiques matrimoniales habituelles ont repris leur cours après la crise. La situation est toute autre chez les Sereer confrontés depuis vingt ans à une crise générale qui affecte leur système de production, leur organisation sociale comme l'équilibre écologique de leur région. Les aléas pluviométriques continuent certes à influencer les comportements matrimoniaux de cette population : une saison agricole particulièrement faste se solde par une augmentation des mariages l'année suivante et un déficit pluviométrique important conduit à un report des unions