Le corps à l’épreuve des règles monastiques : Gestion des maux et longévité (Abbaye Sainte-Croix, Poitiers, XVIe-XVIIIe siècle)

National audienceUn corpus anthropologique extrait de la salle du chapitre moderne (XVIe-XVIIIe siècle) de l’Abbaye féminine bénédictine de Sainte-Croix (Poitiers), composé de femmes issues de la noblesse et représentantes des cadres de l’abbaye, permet d’aborder le cas des religieuses ayant vécu les règles monastiques issues de la contre-réforme (XVIe siècle) et ayant supporté des conditions de vie ascétiques. Les archives écrites de l’abbaye poitevine décrivent des vies d’enfermement et de contemplation marquées par le jeûne et la prière. Les squelettes en conservent des stigmates (ostéomalacie, hyperostoses, forte tendance à la maladie carieuse, arthrose et enthésopathies) qui révèlent des corps malades. Parallèlement, le profil paléodémographique de ce groupe de population indique une longévité exceptionnelle. La résistance des corps meurtris montre la capacité de ces femmes à transcender le corps physique. Elles sont probablement des malades qui s’ignorent et opposent leur foi aux épreuves de la vie. Elles puisent leur force vitale dans la religion pour mieux s’affranchir des maux générés par leur mode de vie. A ce mépris, ou plus vraisemblablement à cette acceptation des souffrances, s’ajoute le défi – ou l’inconscience – de la gestion des épisodes épidémiques que l’on le perçoit avec les victimes de la peste. On n’ignore manifestement pas la cause de certains décès, comme en témoigne les précautions prises avec l’utilisation de chaux sur les corps. Mais on ne déroge pas aux habitudes funéraires et aux égards réservés aux moniales, en maintenant une place dans la salle du chapitre aux femmes mortes de la peste. L’épreuve de la maladie est gérée ici par la force des habitudes, par un fatalisme manifeste. Il n’est pas question de soin ou de soulagement autres que ceux apportés par la religion