Une approche critique de l'épistémologie psychanalytique : réflexions sur la notion d'idéologie

National audienceNotre travail de thèse porte sur l'épistémologie de la psychanalyse, et plus précisément sur les représentations de la science chez Freud et chez Lacan. À un niveau méthodologique, ce travail doit surmonter deux obstacles épistémologiques. 1) Le premier concerne l'état de la littérature : a) Dans le domaine de l'historiographie, les études sur l'histoire de la psychanalyse sont polarisées entre deux positions extrêmes. La première est généralement représentée par des psychanalystes, qui présentent une tendance à proposer une vision hagiographique de l'histoire de leur discipline. La seconde est constituée par des chercheurs indépendants des institutions psychanalytique, qui se sont opposés à cette vision hagiographique en se montrant très critiques envers la psychanalyse. b) Dans le domaine de l'épistémologie, on constate aussi deux traditions opposées. La première est représentée par une épistémologie normative qui, au nom d'une conception naturaliste de la science, condamne la psychanalyse comme non-science ou pseudo-science. La seconde est composée de psychanalystes ou de sympathisants qui, s'opposant à ce jugement normatif, se proposent de cerner l'épistémologie de la psychanalyse selon sa propre logique. L'historiographie comme l'épistémologie de la psychanalyse oscillent ainsi entre une tendance à condamner la psychanalyse d'un bloc et une tendance pro-psychanalyse souvent peu critique. 2) Le second obstacle concerne notre rapport à l'objet psychanalyse : en tant que diplômé de psychologie clinique, la psychanalyse est pour nous un objet proche, ce qui doit nécessiter un effort critique pour l'étudier objectivement. De façon à pallier à ce manque de distance a priori, nous avons pour projet d'analyser les théories freudienne et lacanienne à l'aide de la notion d'idéologie. Il s'agit de cerner les déterminants extra-scientifiques (e.g., politiques, économiques, sociaux) qui existent au sein même des théorisations psychanalytiques. Cependant, le concept d'idéologie pose lui-même problème, étant chargé en connotations. Dans le cadre de la tradition marxiste par exemple, le qualificatif « idéologique » a ainsi pu être utilisé en vue de disqualifier en bloc une science comme instrument de domination. Analyser l'épistémologie de la psychanalyse suivant cette acceptation consisterait ainsi à suivre la même mouvance que celle majoritairement adoptée par l'histoire critique et l'épistémologie normative. Or, nous souhaitons concilier les exigences de la critique avec une analyse qui ne s'effectue ni sur le ton de la condamnation, ni du jugement a priori, mais qui cherche à situer la psychanalyse comme le produit d'un certain moment de l'histoire, en resituant ses théories dans leur contexte social d'émergence. En nous appuyant sur la littérature, nous chercherons ainsi à formuler une conception de l'idéologie scientifique qui permette de saisir comment, à un niveau local, des éléments extra-scientifiques peuvent pénétrer au sein même du champ scientifique. Selon cette conception, chaque discipline n'est pas uniformément soit « scientifique », soit « idéologique », mais peut véhiculer, à son insu, des « idéologèmes », dont l'origine est à situer dans son histoire (du fait par exemple de l'origine non-scientifique des sciences) ou de son hétéronomie vis-à-vis de champs non scientifiques (politique, économique, etc.)