La Russie des Enchanteurs, ou l’art de tromper son monde

Les enchanteurs, l’histoire d’une famille de charlatans vénitiens à la cour de Catherine II inspirée des mémoires de Casanova, peut être perçue comme transmission du patrimoine culturel russe de Gary et comme autofiction consolidant la construction de son identité russe. Mais une lecture attentive des éléments lexicaux russes dans le texte, de l’onomastique, des références à la littérature et au folklore, et de la représentation de l’histoire et de l’espace géographique et temporel, révèle un dédoublement dans ce projet. Les lecteurs russophones perçoivent la large part de provocation dans la représentation du monde russe, qui laisse deviner que la patrie russe de Gary se trouve uniquement dans la langue et la littérature russes. Par son caractère comique et profanateur, le texte s’inscrit dans la tradition d’auteurs russes hétéronymes, tels Kozma Proutkov et Abram Tertz, et annonce la création d’Émile Ajar.Diver Ruth Louise. La Russie des Enchanteurs, ou l’art de tromper son monde. In: Littératures 56,2007. Romain Gary, l'ombre de l'histoire. pp. 129-140