La science comme vocation ? Les élèves scientifiques de l’École normale supérieure et l’espace de leurs carrières (1944-1962)

International audienceFrom 1944 to 1962, the scientific section of the École normale supérieure de la rue d’Ulm found its way out of the ambiguities surrounding its function: starting as a high school teachers’ seminary – and, as such, a starting point for many university careers since the 19th century –, it became an institution focused mainly on the production of researchers and faculty professors, in the wake of the historical mutation of the career horizons open to the normaliens. This article intends to study the conditions and the consequences of such a profound transformation, building on three major sources: the archives of the institution and its actors; a prosopographical study of the 539 scientific normaliens admitted from 1944 to 1960; a questionnaire-based survey. The results underline the fact that even if the title of normalien profitability rose strongly, this rise was unequally distributed. The social background played a major role in this differentiation, combined with the consequences of the ENS rivalry with the École polytechnique, the importance of the scientific discipline chosen – between mathematics, physical sciences and natural sciences –, and the impact of both the very liberal educational configuration and the scientific choices of the professors.Entre 1944 et 1962, la section scientifique de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm sort de l’ambiguïté qui a longtemps marqué sa fonction : de séminaire de formation d’enseignants de lycée et – pour une élite devenue de plus en plus nombreuse depuis le XIXe siècle – de faculté, elle devient une pépinière centrée avant tout sur la production de chercheurs et d’universitaires, dans le sillage de la mutation historique de l’espace des carrières ouvert à ses élèves. Cet article entend étudier les conditions et les conséquences concrètes de cette transformation à partir des archives de l’établissement et de ses acteurs, d’une étude prosopographique des trajectoires des 539 normaliens scientifiques des promotions 1944 à 1960 et enfin d’une enquête par questionnaire. Il souligne en particulier que bien que la rentabilité du titre de normalien augmente alors fortement, cette augmentation n’est pas la même pour tous : si le concours d’entrée joue un rôle de barrière, il n’en est pas pour autant un niveau, même en période de vaches grasses. L’origine sociale joue un rôle important dans cette différenciation, même s’il faut souligner les conséquences majeures de la rivalité de long terme avec l’École polytechnique, des raisons du choix de la discipline étudiée – sciences mathématiques, physiques ou naturelles –, enfin de la configuration pédagogique très libérale en place dans l’institution et des options scientifiques des enseignants