« Notes en marge des cires de Degas »

International audienceL’isolement qui a précédé le décès de Degas en 1917 rendit d’autant plus éblouissante la découverte des nombreuses statuettes en cire qui furent reproduites peu après par Hébrard. A une époque où l’Impressionnisme faisait l’objet de bilans sans complaisance, ces étranges figurines en cire étaient difficiles à apprécier. Elles perturbaient la construction historiographique d’un Degas « classique » qui, en ces années de « retour à l’ordre », s’élaborait au détriment du « peintre des danseuses » ; elles paraissaient comme des fruits isolés dans l’arborescence esquissée par les quelques rares histoires de la sculpture du XIXe siècle. Comment appréhender en effet ces corps de femmes en équilibre toujours précaire, arpentant l’espace avec une vitalité et une objectivité anatomique extraordinaires, sans souci ni d’anecdote ni de monumentalité, détachés de toute soumission à un quelconque parti pris architectural qui ne fût celui de leur propre structure interne ? et comment expliquer les raisons d’être de ces instantanés de gestes ayant comme seul « objet » la « dissipation même », et comme seule « fin » la modification « de notre sentiment d’énergie », que le sculpteur s’était donné pour tâche d’« ordonner ou organiser » * dans des matériaux éphémères et sans noblesse ?L’histoire de la réception critique des cires de Degas permet de replacer cet artiste au sein d’une modernité expérimentale, ignorant le « métier » au profit de l’expression des « inquiétudes de [l’] âme fébrile »**, bien loin d’un quelconque « retour à l’ordre ». * Paul Valéry, Degas, danse, dessin, (1936) dans : Œuvres, II, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1960, p. 1171 et 1172.** Idem