Une politique du désir à l'âge du Big Data?

Avec la digitalisation du monde, c’est la fin du probable ; le monde contemporain des données massives s’en affranchit. C’est ainsi que le monde des data préfèrera se concentrer sur la prédiction des risques comme comportements plutôt que plus sur les probabilités qui permettent d’évaluer les risques comme événements. La forme « connective » des liens est la trame du monde des data, sur le mode d’un fonctionnement machinique. Les algorithmes auto-apprenants de l’Intelligence Artificielle – les machines de l’ère des data - révèlent des liens de « pures » corrélations statistiques, totalement inédits, qu’on n’aurait jamais pu trouver dans des quantités plus petites de données ; ces corrélations quantifient les liens connectifs du monde des data. Et la libération des liens de probabilité et de causalité au profit de liaisons connectives opère une véritable rupture épistémologique par le passage d’une épistémologie de cause à effet à une épistémologie de l’usage. Or la logique « connective » du monde numérique est précisément celle du désir dont parlent Deleuze et Guattari dans l’Anti-Œdipe ; libérés des liens de probabilité et de causalité dont le monde du probable est tissé, nous aurions atteint un espace privilégié de totale « liberté » par le digital. Et en même temps, à partir du plus anodin de nos vies dataïfié, les prédictions des risques comportementaux personnalisés arriveront à « objectiv[er] les individus comme autant de singularités que l’on cherche[ra] à traiter en tant que telles […] » . À partir de là, peut-on parler d’une véritable « politique du désir » par le gouvernement des hommes par la donnée à l’âge du Big Data ? Une politique destinée à libérer les flux du désir ? On peut se demander si, dans ce monde de compossibilité globale qu’est le monde des data, il y aurait un au-delà des circuits du désir aliénés par le Big Data lui-même ? Cette question pose celle de la subjectivité à l’ère statistique du tsunami numérique