Violence sexuelle et confrontation épistémique : le jugement de l'affaire de « la Meute » en Espagne

Un cas de violence sexuelle a choqué l’Espagne ces dernières années. C’est durant les festivités de San Firmin 2016 qu’une adolescente était brutalement agressée par un groupe de cinq hommes. Jugés au printemps 2018, la sentence de neuf ans de prison a semblé à une grande partie de l’opinion publique incroyablement légère, compte tenue de la gravité des faits. Une peine qui découle de ce que l’examen des faits avérés débouche sur un constat d’abus sexuel, et non d’agression sexuelle. Cette distinction, qu’un nouveau projet de loi doit éliminer, repose sur la mise en œuvre ou non de violence, menace ou contrainte au moment du viol. L’appréciation ou non de la violence constitue ainsi l’un des premiers enjeux épistémiques de cette sentence qui, dans sa façon de considérer la violence, dit à quel point sont confrontés de nos jours l’épistèmé traditionnelle androcentrée et les nouveaux savoirs formés depuis le XX siècle. La sentence recèle des points de confrontation épistémique entre ces deux savoirs. Ils concernent la violence ; les processus psychologiques confrontés par la victime pendant et après l’agression, ainsi que leur imaginaire ; l’imaginaire du viol ; l’imaginaire des séquelles laissées par un viol. Néanmoins, ils émergent davantage de l’argumentaire produit par l’un des juges, Ricardo Gonzalez, en désaccord avec ses collègues, pour étayer son argumentaire, favorable à une absolution des détenus. Celle-ci leur permet d’ailleurs de présenter un recours dont le procès doit se tenir à l’automne 2018. Il s’agit dans ce travail de recenser ces points de confrontation épistémique et de les soupeser afin de mettre en avant les issues bien différentes sur lesquelles peuvent sans doute déboucher la mise en œuvre de l’une ou de l’autre, dans le but de mesurer le chemin restant à parcourir pour une meilleure intégration des nouveaux savoirs à l’ensemble du processus judiciaire