Benjamin Constant a conçu Adolphe comme un « roman dont la situation serait toujours la même », autrement dit comme un antiroman, où manque étrangement la matière diégétique. Cette panne du ressort narratif est liée à une situation où le personnage est coincé dans un dilemme insoluble. Adolphe est au fond un héros cornélien à qui serait obstinément refusée la grâce du sursaut. Victime du paradoxe de Buridan, il est figé dans un équilibre qui neutralise non plus de simples inclinations, mais des passions obsessives, élevées à un prodigieux degré d’intensité : le désir ardent de rompre et la peur panique de blesser. Il est paralysé par l’égale hantise de l’asservissement et de la cruauté. Victime en outre de ce qu’on pourrait a...