Synesthesia, Then and Now

Synesthésie, hier et aujourd’hui. Bien qu’ayant fait l’objet de nombreuses recherches depuis plus d’un siècle, la synesthésie étonne toujours par la variété de ses manifestations, et continue à résister à toute velléité d’en fournir une explication théorique simple. Il y a un peu plus de 30 ans, l’auteur du présent article abordait la synesthésie comme un phénomène perceptif trans-modal dans lequel un stimulus présenté dans une modalité sensorielle produit une sensation additionnelle dans une autre ; il lui semblait alors possible d’expliquer la synesthésie à partir du principe d’un traitement multi-sensoriel, dans le cadre général du concept de «l’unité des sens » . Les recherches au cours de trente dernières années ont cependant, d’un côté, mis au jour le rôle de l’apprentissage et de la cognition dans la plupart des formes de synesthésie, dont d’ailleurs beaucoup ne sont pas trans-modales, et, de l’autre, mis en évidence l’implication de certains processus neuronaux dans l’expérience de synesthésie. Plusieurs approches théoriques du phénomène sont passées en revue. Une première, moniste, place la synesthésie à une extrémité d’un continuum perceptivocomportemental. Une autre approche, dualiste, se donne pour objectif de distinguer la synesthésie véritable de la non-synesthésie, tout en cherchant à déterminer ce qui constitue le dénominateur commun de toutes les manifestations de synesthésie. Ni moniste, ni dualiste, l’approche pluraliste postule, à son tour, l’existence de plusieurs catégories distinctes de synesthésie qui ne sont pas nécessairement équivalentes : parmi elles, au moins une catégorie apparaît comme protypique – la synesthésie transmodale. Et comme les principes qui caractérisent la synesthésie trans-modale valent aussi pour la perception trans-modale chez les non-synesthètes, les mécanismes qui sous-tendent la synesthésie trans-modale pourraient en fait être à la source de diverses autres formes de synesthésie.Puzzling in its diversity and resistant to simple theoretical accounts, synesthesia has been a subject of scrutiny and investigation for more than a century. Over 30 years ago, the present author treated synesthesia as a perceptual, cross-modal phenomenon, in which a stimulus presented in one modality produces an additional sensation in another, and sought to understand synesthesia in light of principles of multisensory processing, under a broad framework of the ‘ unity of the senses.’ Research over the ensuing three decades has highlighted the role of learning and cognition in most kinds of synesthesia, many of which are not cross-modal, while pointing to some of the neural processes associated with synesthetic experience. One approach to understanding synesthesia, monism, treats synesthesia as an end-point of a continuous trait. Another approach, dualism, aims to distinguish synesthesia from non-synesthesia and searches for the common denominators that underlie synesthesia in all of its manifestations. An alternative to both monism and dualism is pluralism, which posits several distinct categories of synesthesia, not all necessarily equal : One category (or more) may be prototypical, a good candidate being cross-modal synesthesia. The principles that characterize cross-modal perceptual synesthesia also characterize cross-modal perception in non-synesthetes, and the mechanisms that underlie prototypical cross-modal synesthesia may serve as the wellspring for the development of synesthesia’s diverse other forms.Marks Lawrence E. Synesthesia, Then and Now. In: Intellectica. Revue de l'Association pour la Recherche Cognitive, n°55, 2011/1. Synesthésie et Intermodalité. pp. 47-80