Colonisation et changement écologique en Inde du Sud. La politique forestière britannique et ses conséquences sociales dans les Ghâts occidentaux (XIXe-XXe siècles)

This study deals at first with the factors and stages of the process of deforestation which has developed in the central Western Ghats of India over the last 200 years. A consciousness of the ecological dangers of uncontrolled deforestation obviously existed in die official spheres during the first half of the 19th century. It is however mainly in order to meet the requirements of the colonial state that a centralized system of forest management was instituted from the 1860s onwards, and that forest legislation and regulations were passed which curtailed drastically the rights of access of the local populations to the forests for collection of forest produce and grazing. The Forest Department, being considered as a source of surplus revenue for the Imperial Exchequer, had to give priority to commercial exploitation and the plantation of valuable species over the interests of the local peasant and tribal population. This policy had a considerable impact on the material condition of the rural population. The Forest Department pursued a policy of gradual eradication of shifting cultivation. The traditional equilibrium between agriculture and forest was jeopardized, as the area of forest that was conceded to the village communities proved too small for a growing population. The incidence of forest crime went on increasing in this context. Periodical outbursts of mass resistance to forest regulations occurred, especially from the 1920s onwards, when popular discontent tended to merge with nationalist agitation.Cette étude expose d'abord les étapes et les facteurs de la régression de la couverture forestière dans la zone centrale des Ghâts occidentaux (Inde du Sud) depuis deux siècles. Bien que les dangers écologiques d'une déforestation incontrôlée soient connus de bonne heure, c’est surtout l’exigence d'une gestion centralisée du capital forestier pour les besoins de l'État qui conduit à la mise en place, à partir des années 1860, d'un département des Forêts et d'une législation qui restreint considérablement les droits d’usage dont jouissaient traditionnellement les populations locales. Le Forest Department, cependant, est tenu par le gouvernement de réaliser des profits, et sa stratégie de gestion met l’accent sur l’exploitation commerciale des forêts et sur le développement des espèces les plus rentables (teck notamment), au détriment des intérêts des usagers paysans et tribaux. Les effets d'une telle politique sur les modes de vie ruraux sont considérables. Le Forest Department décourage de façon progressive mais résolue l'agriculture itinérante, qui est finalement abolie en 1920. Et surtout l'équilibre traditionnel du rapport entre agriculture et forêt (dont la composante symbolique, illustrée par le souci général de la préservation des «bois sacrés», joue un rôle important) est sérieusement compromis, du fait de l'étroitesse des espaces boisés dévolus aux collectivités villageoises. La délinquance forestière qui se développe sur ce terrain est stimulée par les comportements souvent vexatoires des fonctionnaires subalternes du Forest Department. Cette délinquance tourne périodiquement à la résistance de masse, particulièrement à partir des années 1920, lorsque s'effectue la conjonction entre ce mécontentement et les campagnes d'agitation du mouvement nationaliste.Pouchepadass Jacques. Colonisation et changement écologique en Inde du Sud. La politique forestière britannique et ses conséquences sociales dans les Ghâts occidentaux (XIXe-XXe siècles). In: Colonisations et environnement. Paris : Société française d'histoire d'outre-mer, 1993. pp. 165-193. (Bibliothèque d'histoire d'outre-mer. Études, 13