Eglise catholique et promoteurs de la laïcité : le cinéma au cœur d’une lutte acharnée (1895-1939)

International audienceDans le cadre de cet ouvrage où l'on s'intéresse aux relations entretenues entre l'image et le pouvoir, le véritable combat d'influence que se sont menés, autour du cinéma, l'Église et les partisans de la laïcité en France, pendant toute la première moitié du vingtième siècle, est particulièrement symptomatique de la puissance reconnue à ce média en matière de propagande, et ce bien avant qu'un quelconque État totalitaire ne s'en empare. Mais replaçons tout d'abord les acteurs de cette lutte d'influence, et leur relation à l'image au moment de la naissance du cinéma, à la fin du dix-neuvième siècle. Tout d'abord, l'Église Catholique. La religion catholique est caractérisée par un rapport ambigu à l'image, en opposition par exemple aux Chrétiens orthodoxes. Si les Catholiques craignent la représentation divine, l'image a toujours été utilisée au cours de l'histoire comme un vecteur éducatif privilégié. Dès le XIème siècle, l'icône fut ainsi utilisée comme une « bible pour analphabète ». Les progrès techniques qui marquent l'histoire de l'image ont toujours été intégrés à la panoplie des outils pédagogiques mis à profit dans l'oeuvre de catéchèse : la lanterne magique, l'imprimerie et, donc, le Cinématographe. Ainsi, dès sa mise au point, l'image animée est mise à contribution pour l'enseignement du catéchisme, avec l'approbation totale des autorités religieuses 1 : des films éducatifs sont donc réalisés, illustrant les épisodes marquants de la Bible, en parfaite continuité avec l'usage qui était fait jusque-là des projections fixes. La question s'avère plus épineuse à propos de l'insertion de projections au sein de la prédication, ce que certains prêtres revendiquent dans le but d'attirer les fidèles aux offices. Certains Catholiques les approuvent et les encouragent, tels George-Michel Coissac qui écrit en 1903, combien pourrions-nous citer d'exemples de prêtres qui ont, par ce seul moyen, réussi à faire dans leurs paroisses de véritables résurrections spirituelles ? 2. Mais beaucoup d'autres sont révoltés par ces méthodes, et appellent à une décision des autorités ecclésiastiques en la matière. Dans un premier temps, ce 1 Cette inscription dans un héritage historique n'exclut cependant pas que le cinématographe, en tant que spectacle, ait été rejeté par un certain nombre de Catholiques, en vertu de principes théologiques aux relents jansénistes. 2 George-Michel Coissac, "L'oeuvre des projections lumineuses à la Maison de la Bonne Presse. Rapport au Congrès général La Croix", in Le Fascinateur (Paris), n°1, janvier 1903, p 3