Eduquer le désir : Foucault, Freud et les sexualités impériales

Dans cet article, je souhaite aborder deux problèmes : d’une part, la manière dont le langage de Freud s’est établi dans le champ général des études coloniales et, plus spécifiquement, la coexistence parfois complexe entre Sigmund Freud et Michel Foucault dans l’analyse du racisme colonial. Les notions freudiennes de désir sublimé et projeté sont régulièrement combinées pour tenter de rendre compte du racisme et de l’expansion impériale européenne. Et, de manière surprenante, les chercheurs spécialisés en études coloniales ont souvent lu la conduite sexuelle européenne dans les colonies à travers des scripts eux-mêmes coloniaux. Je souhaite revenir ici sur une certaine historiographie impériale et la confronter à la politique sexuelle des états coloniaux pour montrer que les désirs sexuels étaient structurés par des désirs et des discours qui ne se limitaient jamais au sexe. Il me semble au contraire que la culture du soi bourgeois européen définissait les paysages intérieurs des « vrais » Européens et les frontières internes des catégories supérieures auxquels ils étaient constamment rappelés appartenir.In this essay, I am interested in two problems: the ways in which the language of Freud has entrenched itself in the general field of colonial studies, and the tangled coexistence of Freud and Foucault, more specifically, in analyses of colonial racism. Racism and Europe's imperial expansion have often been analyzed with Freudian notions of sublimated and projected desire but what is more striking is that students of colonialism have often taken their readings of European sexual conduct in the colonies directly from colonial scripts themselves. Here I review some recent trends in imperial historiography and contrast them to the sexual politics of colonial states to suggest that sexual desires were structured by desires and discourses that were never about sex alone. Here I argue that cultivation of the European bourgeois self at once defined the interior landscapes of "true" Europeans and the interior frontiers of the superior polities to which they were constantly reminded they rightfully belonged