Une poétique de la connaissance : Diderot et le rêve

L’article est centré sur le choix et l’exploitation du terme « rêve » chez Diderot. Il tente d’examiner comment un parti pris lexical net (l’emploi exclusif du mot « rêve » au détriment de « songe ») relevant d’un parti pris philosophique (un monisme physiologique récusant tout dualisme spiritualiste) va de pair avec une spéculation poétique qui semble pour une bonne part induite par le champ sémantique du terme. Parce que le mot « rêve » désigne à la fois l’activité inconsciente du cerveau, l’extravagance mentale, la distraction et la pensée profonde, il se prête à des fictions spéculatives (dont la plus aboutie est le Rêve de D’Alembert) sur les possibilités heuristiques des mécanismes oniriques. Cependant ces fictions ne se limitent pas à un libre jeu conjectural : en présentant l’hypothèse comme réalisée, Diderot s’emploie à susciter l’adhésion.A poetics of knowledge. Diderot and the dream.This article concentrates on the choice and exploitation of the term ‘dream’ in Diderot’s work. It examines how a clear lexical choice (the exclusive use of the word rêve instead of songe), determined by a philosophical choice (physiological monism, refusing any type of spiritualistic dualism), goes together with poetic speculation which seems largely inspired by the term’s semantic field. As the word rêve refers to the brain’s unconscious activity, mental extravagance, distraction and deep thought, it is appropriate for speculative fiction (the most accomplished of which is the Rêve de D’Alembert) concerning the heuristic possibilities of the mechanism of dreaming. However, these fictions are not merely freewheeling conjectures, for, as they present the hypothesis as reality, Diderot is trying to convince the reader