« Et comment tout cela sera-t-il conservé à Paris ! » Les réactions allemandes aux saisies d’œuvres d’art et de science opérées par la France autour de 1800

Les saisies d’objets d’art et de science opérées successivement par la France en Europe, entre 1794 et 1811, ont suscité d’importantes réactions dans les milieux éclairés allemands. Pratiquées dès l’automne 1794 dans les régions rhénanes, ces spoliations n’ont toutefois ému l’opinion publique que lorsqu’elles se sont portées sur le patrimoine italien, occasionnant dans la presse une virulente campagne antifrançaise. La dépouille de Rome fut ressentie en Allemagne comme un crime contre l’humanité entière. Progressivement toutefois, l’aménagement muséographique et la libéralité des établissements parisiens apaisèrent le débat. La présence et les activités prédatrices de Vivant Denon en Allemagne du Nord (1806-1807) ne suscitèrent aucune hostilité marquée, et c’est seulement après les guerres de libération, en 1814 et surtout en 1815, que l’opinion publique allemande, menée par une presse patriotique vivement gallophage, se mobilisa largement pour la restitution d’œuvres qui cristallisaient désormais de forts sentiments identitaires.Der französische Kunst- und Bücherraub in Europa (1794-1811) hat erregte Debatten in den aufgeklàrten Kreisen in Deutschland aus-gelôst. Obwohl das Rheinland bereits 1794 betroffen war, reagierte die deutsche Of-fentlichkeit erst 1796 auf die Wegnahmen von Kunstwerken aus Italien. Eine heftige Pressecampagne prangerte Frankreichs Aneignungspolitik als Verbrechen gegen die Menschheit an. Doch beruhigte sich die Diskussion, als in Paris die öffentlichen Einrichtungen (Muséum, Bibliothèque nationale) allmählich praktikabel wurden (um 1800). Die räuberische Präsenz Vivant Denons in den norddeutschen Staaten (1806-1807) rief alsdann wenig Ablehnung hervor. Erst nach den Befreiungskriegen, 1814 und noch mehr 1815, mobilisierten sich die Geister wieder, angefuhrt von der rheinischen patriotischen Presse. Die Rückgabe der geraubten Kunstwerke und Bûcher wurde zum identitàtsstiftenden Politikum und blieb es bis tief ins 20. Jahrhundert.The seizures of works of art and texts carried out successively by the French in Europe between 1794 and 1811 provoked strong reactions in enlightened circles in Germany. Directed against the Rhine régions as early as the autumn of 1794, thèse plunderings only really caused an outcry when they spread to the Italian cultural héritage, bringing about a virulent anti-French campaign in the press. The stripping of Rome was taken as a crime against humanity in Germany. Little by little, however, the museographical organization and the liberality of Parisian establishments soothed the debate. Vivant Denon’s présence and his predatory activities in Northern Germany (1806-1807) did not give rise to any pronounced hostility, and it is only after the wars of libération, in 1814, and especially in 1815, that German public opinion, egged on by a patriotic press which was sharply anti-French, became mobilized on a wide scale to demand the restitution of works. Hereafter, strong feelings of identity were crystalized