Virginie Despentes et les récits de la violence sexuelle : une déconstruction littéraire et féministe des rhétoriques de la racialisation

A l’heure où dans l’imaginaire collectif, la banlieue figure le territoire repoussoir de la domination masculine, face à une société qui en paraît ainsi exempte, mettre en récit des personnages racialisés impose de se confronter à la prégnance de clichés médiatiques racistes comme à l’instrumentalisation du discours féministe. Cet article se propose alors d’étudier l’écriture fictionnelle et théorique d’une figure majeure et controversée du féminisme français, Virginie Despentes. En faisant du viol et du sexisme les motifs récurrents de son œuvre, Despentes repense en effet la rhétorique de la racialisation pour réaffirmer le caractère systémique, et non catégoriel, de la domination masculine. Au-delà d’une accusation des individus, et loin de valider d’hypocrites discours sécuritaires, les textes de Virginie Despentes contribuent donc aux enjeux propres au féminisme contemporain : cesser de collaborer à un tel système en imposant plutôt la voix, la puissance et l’indépendance morale du sujet féminin.In the contemporary collective imagination, the suburbs [banlieues] epitomise masculine domination, contrasting with a society which thus appears free from sexism. As a result, creating racialized characters can confront both the salience of racist journalistic stereotypes and the intrumentalization of feminist discourse. Hence, this article focuses on the essay and fiction of Virginie Despentes, a major, yet controversial, figure in contemporary French feminism. By placing rape and sexism at the centre of her work, Despentes challenges racializing rhetoric in order to reassert the systemic, non-categorical, aspect of male domination. Rather than charging only individuals, and far from validating hypocritical securitarian discourse, Virginie Despentes’s texts contribute to the current debate in contemporary feminism in order to put an end to collaboration with racist ideologies through the voice, empowerment, and moral independence of the feminine subject.