« Un néant follement attifé » : macabre et grotesque dans Mesure pour Mesure

Dans Mesure pour Mesure, pièce anamorphotique s’il en est, le grotesque possède une force satirique d’autant plus forte qu’il s’allie au macabre. Shakespeare dépeint une vanité dramatique et place le morbide au cœur de la vie, dans un monde marqué par l’enfermement et l’instabilité. À Vienne, ville rongée par la syphilis et menacée par la peste, Claudio, Juliette, Isabella, Mariana, Angelo et le Duc sont des doubles habités par la même ferveur et la même luxure. La pièce présente une galerie de personnages aussi fragiles qu’inquiétants, et le thème médiéval de la danse macabre qui court en filigrane dans la tragicomédie révèle la vanité de leurs discours comme de leurs différentes postures. Au-delà de son caractère festif, le grotesque shakespearien est teinté de couleurs sombres et il entrouvre des failles dont la dimension tragique apparaîtra dans une œuvre comme King Lear.In an anamorphic play such as Measure for Measure, the grotesque is endowed with a strong satirical power, and its close relation to the macabre makes it even stronger. Shakespeare actually depicts a dramatic vanitas and places the morbid at the heart of Vienna, regarded as a world marked by confinement and instability. In this town infested by the syphilis and threatened by the plague, Claudio, Juliet, Isabella, Mariana, Angelo and the Duke are described as doppelgängers haunted by the same quest for absolutes and the same luxuriousness. Thus, the play presents us with a whole series of frail and disquieting characters, and the medieval theme of the Dance of Death running throughout the tragicomedy reveals the vanity of their speeches and attitudes. Therefore, beyond its festive characteristics, the Shakespearean grotesque is particularly dark, and it underlines flaws whose tragic dimension will be clearly seen in a play like King Lear