La naissance de la justice en débat : représentations contemporaines du procès d’Oreste

L’Orestie d’Eschyle qui met en scène le procès d’Oreste par un tribunal civique et se termine par un acquittement, joue pour l’époque moderne le rôle d’origine du théâtre en même temps que de la naissance de la justice et de la démocratie succédant au règne de la vengeance. Or pour les metteurs en scène contemporains, la représentation de ce que l’on interprète traditionnellement comme un happy end et l’idée d’une cohésion de la cité comme miraculeusement obtenue (par l’intermédiaire d’Athéna) suscitent nombre de doutes et d’interrogations. Comment en effet adhérer encore à la représentation de l’utopie d’une démocratie miraculeusement responsable, mais aussi au désir même de justice, dans un monde qui a connu, depuis la rupture radicale d’Auschwitz, les bouleversements qui l’ont suivie ? Comment représenter un monde ordonné, ou encore une unité civique, politique et théologique, dans un univers dont l’on ne cesse de dire l’éclatement et la perte des repères ? L’analyse comparée des mises en scène françaises et allemandes du procès d’Oreste permet de mesurer combien se construisent deux traditions d’interprétation radicalement opposées.Aeschylus’ Oresteia, staging the trial of Orestes by a popular court and ending with his acquittal, appears in modern times as the origin both of the theatre and of justice and democracy, after the reign of revenge. Yet to contemporary directors, representing what is traditionally interpreted as a happy ending, and the notion of the city’s miraculously obtained cohesion (through the intercession of Athena), raise a good many doubts and questions. Is it still possible now to adhere to the representation of a utopian, miraculously responsible democracy, but also to the very longing for justice, in a world that, after the radical fracture of Auschwitz, has gone through the upheavals that followed it? Is it still possible to represent a well-ordered world, or a civic, political and theological unit, in a universe that is reputedly split up, without moorings? The comparative analysis of French and German versions of the trial of Orestes shows how radically at variance these two interpretative traditions are