L’Éloge de la laideur dans la littérature antipétrarquiste

à partir de l’analyse d’un discours académique du philosophe Antonio Rocco faisant l’éloge paradoxal de la laideur (1630), on distingue plusieurs types de mise en forme de la laideur par l’écriture dans la littérature italienne des xvie et xviie siècle, qui entretiennent une relation de contestation ou de perversion, selon les cas, avec le modèle platonisant du pétrarquisme : Les louanges marinistes de la beauté défectueuse (belle vieille, belle boiteuse, etc.), le thème du Tasse de l’amour sincère et conscient pour une femme laide, l’éloge burlesque pour la femme laide (Lorenzo il Magnifico, Berni, etc…), d’une misogynie déclarée. Dans tous ces cas, la laideur considérée est celle du corps de la femme. De manière très révélatrice, le motif silénique, souvent appliquée à la laideur masculine (un corps laid recouvrant une belle âme) est inimaginable pour la femme. Par contre la dépréciation du corps féminin se fait généralement au profit de celle du jeune corps masculin, dans la valorisation discrète ou tonitruante de la sodomie. Ainsi, en aucun cas, cette littérature qui s’affranchit pourtant des préjugés de la morale religieuse, ne conduit à la reconnaissance d’une quelconque égalité des sexes.On the basis of the analysis of an academic discourse from the philosopher Antonio Rocco in paradoxical praise of ugliness (1630), we distinguish several ways of dealing with ugliness within the Italian literature of the sixteenth and seventeenth centuries, which maintain a relationship of opposition or perversion with the Platonic model of Petrarchism: Marinist poets praise the defective beauty (the beautiful old woman, beautiful woman lame, etc.); Tasso’s theme of the sincere and conscious love of an ugly woman; and the burlesque and misogynic eulogium of the ugly woman (Lorenzo il Magnifico, Berni, etc.). In all these cases, the target is the ugliness of the woman's body. In a very eloquent way the Silenian pattern, often applied to the ugliness of men (an ugly body covering a beautiful soul), is unimaginable for women. We can also observe that the depreciation of the female body is generally in favor of the young male body in the framework of a discrete or clamorous valorization of sodomy. Thus, this literature which overcomes the prejudices of religious morality, does not lead in any way to the recognition of any gender equality