Jean-Léon Gérôme : un peintre d’histoire présumé « cinéaste »

La riche exposition consacrée par le Musée d’Orsay au peintre académique Jean-Léon Gérôme développait un discours explicite sur la relation entre ce peintre et le cinéma en des termes susceptibles d’ouvrir un débat fécond sur les manières d’envisager les liens entre le film et les arts plastiques qui l’ont précédé. L’accrochage, le catalogue, certaines interventions du colloque « Regarder Gérôme », ainsi que le « cycle péplum », présenté au Musée ont engagé, sur cette question de la référence au cinéma, de stimulantes réflexions d’ordre méthodologique et historiographique. En effet, l’accent n’a pas porté sur une contextualisation directe qui mette en perspective l’oeuvre de Gérôme par rapport aux avancées des techniques d’enregistrement de son époque, de projection et d’animation mécanique des images et qui ont conduit, dès les années 1880, à l’émergence du médium cinématographique, l’argument de l’exposition visait plutôt à dégager de l’oeuvre de Gérôme les signes d’une véritable « préfiguration » du cinéma, organisée en fonction de deux grands axes : d’une part l’influence manifeste de la peinture d’histoire sur l’iconographie des films de fiction à grand spectacle ; d’autre part, des procédés visuels plus généraux, susceptibles d’être reliés à des effets spécifiquement cinématographiques. En reprenant la question du point de vue des recherches en histoire du cinéma, cet article souhaite soulever à cette occasion quelques problèmes d’ordre méthodologique.The exhibition at the Musée d’Orsay devoted to the painter Jean-Léon Gérôme developed an explicit argument about the relationship between this painter and cinema, in such a way as to open a broader debate about how to consider the links between film and the visual arts that preceded it. The design of the exhibition, the catalogue, certain interventions at the « Regarder Gérôme » conference, and the « peplum » film season at the Museum, all have contributed to a stimulating reflection on this question of the reference to cinema, from a methodological and historiographical point of view. The emphasis was not placed on the simple contextualisation of Gérôme in relation to the technical advances of the time, in terms of recording, projection and mechanical animation, which led to the emergence of the film medium from the 1880s. The argument of the exhibition was rather focused on highlighting in Gérôme’s work signs of a genuine « prefiguration » of cinema, conceived in two principal ways: first, the evident influence of painting on the iconography of spectacular fiction feature films; secondly, more general visual techniques linked to specific filmic effects. This article aims to raise some methodological problems that emerge when discussing this matter from the viewpoint of research in film history