L’intentionnalité dans la Théorie de la science de Bolzano. Éléments d’une reconstruction.

Dans la réception de Bolzano, et probablement depuis les Prolégomènes de Husserl, on insiste généralement sur le fait que la Théorie de la science (1837) de Bolzano vise à développer une théorie des représentations et des propositions qui fait de celles-ci des entités logiques de plein droit, indépendantes des actes de pensée, et seules porteuses des propriétés dont traite la logique (vérité, fausseté, objectualité, etc.) L’importance accordée à cette position, souvent appelée réalisme logique (Morscher), tend toutefois à masquer d’autres aspects de l’ouvrage de Bolzano qui, sans contredire ce réalisme logique, montrent toutefois que la perspective développée par le philosophe de Prague visait aussi à rendre compte de la relation intentionnelle entre l’agent et ces entités logiques. Dans le présent article, je me penche sur les moyens mis en branle par Bolzano pour élucider cette relation. Dans un premier temps, j’examine le cas des représentations sans objet en soulignant le caractère intentionnel de certaines de leurs caractérisations. Dans un deuxième temps, je me penche sur le traitement réservé au jugement en relation à la proposition en soi. Dans la dernière partie de l’article, j’expose les grandes lignes de sa conception des intentions de signification sous-jacente à sa sémiotique. Pris comme un tout, ces trois cas montrent que le thème de l’intentionnalité n’est pas un épiphénomène dans la Théorie de la science, comme on pourrait le croire en partant de l’interprétation de Bolzano par Husserl, mais bien une partie constituante de l’entreprise du philosophe de Prague.Probably since Husserl’s Prolegomena, it is usually claimed that Bolzano aimed to develop a theory of presentations and propositions in which these are considered to be logical entities in their own right. Not only are they independent from actual acts of thinking, but they also are the only carriers of the properties dealt with in logic (truth, falsity, objectuality, etc.). However, the importance of this position in the economy of Bolzano’s thought, often characterized as logical realism (Morscher), tends to downplay other aspects of his work. Without contradicting his logical realism, these aspects show that the Bohemian philosopher was also offering an account of the intentional relation between the agent and the logical entities. In this article, I propose a reconstruction of the means used by Bolzano to elucidate this relation. First, I discuss the case of objectless presentations, focussing especially on the intentional nature of some of their characterizations. In the second part of the article, I examine his conception of the relation between the judgment and the proposition. In the last part of the paper, I propose an account of the general principles of his conception of meaning intentions underlying his semiotics. Taken as a whole, these three cases show that intentionality is not an epiphenomenon in the Theory of Science, as one may believe when taking Husserl’s interpretation of Bolzano as a starting point. Rather, I argue that it is a constitutive part of Bolzano’s enterprise