Les appellations et l’émancipation des étiquettes : Radclyffe Hall et The Well of Loneliness revisités

Cet article examine comment le double étiquetage diégétique et historique du roman The Well of Loneliness de Radclyffe Hall rend compte de l’expérience individuelle et collective de l’« inversion », terme désignant alors l’homosexualité, et quelles relations à la réalité il semble convoquer. Contrairement à la relation d’identification qui émerge d’abord, il apparaît que Radclyffe Hall déconstruit « la » réalité, notamment en détournant l’abject attaché à l’homosexualité et en réutilisant ce motif pour mettre à distance cette réalité. Son projet ne se limite donc pas à une reconnaissance des homosexuels comme la postérité critique le laisse penser, mais à une réflexion sur les modalités du rapport à l’Autre, d’où l’ouverture nécessaire à The Forge et The Unlit Lamp publiés antérieurement. Cette esquisse d’une éthique de l’altérité qui s’appuie sur un questionnement du féminin est alors mise en regard avec la philosophie contemporaine de Malabou qui démonte elle aussi les mécanismes des appellations pour proposer un dépassement du binarisme de l’altérité en suggérant, comme le pressentait Radclyffe Hall, un troisième terme dans la relation afin que chacun, homme et/ou femme, puisse exister en propre.This article examines how Radclyffe Hall accounts for the individual and collective experience of « inversion », a term then referring to homosexuality, and the relationships to reality such a label can imply in her novel The Well of Loneliness. Indeed, it bore a double stain what with its accusation of obscenity and with its invert heroin. Unlike the identification process emerging at first, Radclyffe Hall deconstructs what is taken for reality, notably when she subverts the abject associated to homosexuality, and then uses it to distance reality. Accordingly, her work cannot be reduced to a call for homosexuals’ right to existence, but deeply questions the relationship to the Other—hence the need to broaden this study to two previous novels The Forge and The Unlit Lamp. This opening on an ethics of alterity which stems from a questioning on the feminine is then read in the light of contemporary philosopher Malabou who also deconstructs the way labels come to bear on reality thus attempting to go beyond the binarism intrinsic to alterity, and introducing a third party in this relationship so that man and/or woman can reach their proper identity—which Radclyffe Hall had felt earlier