Enfants prodiges, génies en devenir : former les enfants à la musique dans les ospedali de Venise (xviie-xviiie siècle)

Alors que le goût pour les enfants prodiges se diffuse en Europe, les hôpitaux de Venise offrent à des petites filles abandonnées ou orphelines, doublement pénalisées par leur sexe et leur naissance misérable, des possibilités inédites d’ascension et de reconnaissance sociales en leur enseignant la musique. L’excellence artistique des musiciennes est assurée dès le xviie siècle à la fois par le recrutement d’excellents professeurs, la sélection rigoureuse des pensionnaires bénéficiant de cet enseignement et la mise en place d’une initiation musicale dès le plus jeune âge. L’admission de petites filles de trois ou quatre ans au sein du chœur, formées conjointement au chant et à la pratique instrumentale, assure aux ospedali un vivier de musiciennes capables de se produire en concert dès l’adolescence, ce qui ne manque pas de frapper les visiteurs étrangers et contribue à la renommée des chœurs hospitaliers vénitiens jusqu’à la fin du xviiie siècle.As the taste for child prodigies spread in Europe, the Venetian ospedali offered young girls, who had been abandoned or orphaned and were thus doubly punished by their sex and their low birth, new possibilities for raising themselves and gaining social recognition through their musical education. Artistic and musical excellence was assured since the 17th century by the recruitment of outstanding professors, the rigorous selection of the residents who would be given the opportunity for this tuition and the setting up of a musical education from a very young age. The admission of little girls of three or four years old into the choir, educated jointly in singing and a practical instrument, insured that the ospedali had a pool of musicians able to perform in concert from adolescence, something that did not fail to astonish foreign visitors and contribute to the renown of the choirs of the Venetian ospedali until the end of the 18th century