Un continuum pénal hybride

À partir d’une enquête ethnographique au sein de deux services de probation français, cet article vient éclairer deux questions relatives aux évolutions de la pénalité : existe-t-il aujourd’hui une différence de nature ou de degré entre milieu ouvert et milieu fermé ? L’apparition successive de nouvelles formes de rationalités conduit-elle à leur accumulation ou au remplacement des plus anciennes par les plus récentes ? La démarche inductive mobilisée ici fait apparaître la figure d’un continuum pénal hybride pour décrire l’échelonnement des sanctions de la prison à la probation, à travers l’articulation des logiques pratiques sur lesquelles repose la pénalité contemporaine : la discipline, en tant que vecteur de normalisation passant notamment par le travail et la famille ; le contrôle, en tant que pouvoir limitatif visant à circonscrire l’espace et le temps ; la responsabilisation, en tant que modalité ambiguë d’individualisation tenant moins compte de la situation économique et sociale des justiciables que de leur personnalité et de leur capacité à mobiliser des ressources. Ce faisant, l’analyse du secteur de la probation, à la lisière de l’État pénal et de l’État social, offre une grille de lecture ajustable à la compréhension des reconfigurations récentes de l’action publique.This article, based on an ethnographic study in two French probation services, confronts two question related to the evolution of penality: are probation sentences fundamentally different from prison sentences, or is their distinction simply a matter of degree? Does the emergence of new forms of rationalities lead to their accumulation, or are new rationalities replacing the older ones? Our inductive approach reveals an hybrid penal continuum to describe a gradation of sanctions from prison to probation, articulated to the practical reasons on which contemporary penalty rests: discipline, as a form of normalization through work and family; control, as a restrictive power aimed at circumscribing space and time; responsabilisation, as an ambiguous strategy of individualization taking mostly into account the convicts’ personality and their ability to mobilize resources rather than their economic and social situations. This analysis of the probation system, bordering on the penal state and the welfare state, offers an interpretive framework that can be used to understand recent reconfigurations of public policies