Les recensements augustéens, aux origines de l’Empire

Le sort qu’ont connu les recensements organisés dans les provinces de l’Empire romain sous le règne d’Auguste est paradoxal. Si certaines opérations sont bien attestées, la dispersion des sources dans le temps et leur répartition très inégale entre les provinces ont fait douter plus d’un auteur de la cohérence du projet augustéen. Contrairement à ce qu’affirmait l’évangéliste Luc, il n’y aurait pas eu de recensement global dans l’Empire. Cl. Nicolet toutefois a plaidé en faveur de l’existence d’un census général dont les résultats auraient permis la rédaction du breviarium totius imperii. Dans la lignée de ces travaux, cet article rouvre la discussion en considérant le contexte dans lequel ces opérations ont eu lieu, à savoir la mise en place d’une nouvelle fiscalité qui se voulait par certains aspects en rupture avec celle en vigueur jusqu’alors. Il examinera aussi le rôle de ces recensements dans la genèse d’une fiscalité d’empire et dans la promotion d’une vision unifiée du monde romain.Perhaps surprisingly, census operations in the provinces of the Roman Empire under Augustus have not yet been studied as such. While some of them are well attested, their scattered character both in time and in space has led many an author to question the reality and consistency of the Augustean initiative. According to these authors, there shouldn’t have been no global census at the scale of the Empire, in contradiction to what Luke the Evangelist wrote. Nevertheless, C. Nicolet has argued in favor of the existence of a universal census whose outcome would have made possible the writing of the breviarium totius imperii. Following his work, we address in this article the problem from a new angle, by considering the context in which the operations took place, that is to say the elaboration of a novel fiscal system in sharp contrast with the existing one. We also examine the role played by census operations in the promotion of a unified view of the Roman world