Quinze ans avant le scandale de Panamá, l’affaire du chemin de fer transocéanique du Honduras

Si l’histoire du canal de Panamá est bien connue, on ignore bien souvent que dès les années 1830 les progrès de la technique rendirent imaginable la réalisation d’une voie ferrée reliant l’Atlantique au Pacifique. Au début des années 1860, alors que le développement des infrastructures du Nouveau monde s’accélérait, suscitant l’opportunisme voire la convoitise des investisseurs du monde entier, un projet hondurien de chemin de fer transocéanique vit le jour. Son fiasco, presque deux décennies plus tard, fut à l’origine d’un scandale financier et politique qui engagea non seulement l’avenir de ce pays instable qu’était le Honduras mais impliqua aussi, principalement, Paris et Londres, mettant en lumière de graves lacunes dans le fonctionnement de leurs places financières. L’article retrace l’histoire industrielle, politique, financière et judiciaire de cette affaire dont hérite en France la iiie République naissante. Il en détermine les principaux acteurs, européens ou honduriens, parmi lesquels se distingue la figure charismatique d’un aventurier français, Victor Herran, déterminant dans la montée en puissance et l’ampleur prise par le projet. L’analyse du montage financier qui sous-tend ce dernier permet d’établir comment le peuple hondurien fut victime de ses élites politiques et comment, de l’autre côté de l’océan, de nombreux épargnants français ou britanniques furent floués par un mirage hondurien né de la connivence entre acteurs politiques, milieux d’affaire, industriels et journalistes peu scrupuleux.While the scandal of the Panama Canal is quite famous, the history of technics shows that it is well before in the 19th Century that technology allowed engineers to imagine the crossing of Central America, and notably by rail. At the beginning of the 1860’s, the New World enjoyed a period of growth associated with a rapid development of its transportation network, raising interest, greed and opportunism of worldwide investors. In this context, a honduran transoceanic railway project generated enthousiasm and its pitiful failure, less than two decades later, resulted in a financial and political scandal that compromised the futur of the instable Honduras itself but also implicated Paris and London, which financial systems had proved unreliable and displayed serious shortcomings. The article addresses the industrial, political, financial and judicial history of this affaire that the newborn French Third Republic had finally to cope with. Amongst its main protagonists, european and honduran, appears the foreground character of Victor Herran, a French businessman and adventurer who shaped and carried the project to his personnal profit and drove it to its disastrous dimensions. The detailled study of this financial plan shows the way in which the Honduran people was the victimes of his political leaders and how, on the other side of the Ocean, numerous French and British savers were swindled by a Honduran mirage permitted by the collusion of political elites, business community, industrialists and unscrupulous journalists