Démarcher des donateurs

Depuis une quinzaine d’années, les grandes ONG internationales utilisent des recruteurs de donateurs sur plusieurs continents. À l’œuvre dans la rue, voire en porte-à-porte, ils sont formés et rémunérés, le plus souvent par des agences auprès desquelles les ONG sous-traitent le programme. Pour ces recruteurs, cette activité est souvent vécue à la fois comme une forme d’engagement militant qui repose sur des valeurs, et comme un travail rémunéré soumis à des objectifs quantifiés. De nombreuses tensions sont à l’œuvre dans l’articulation entre ces deux dimensions, qu’elles portent sur la légitimité des techniques commerciales de sollicitation, ou sur la structuration de collectifs où s’entremêlent rapports amicaux, militants et professionnels. Surtout, la difficulté tient à la fois à la capacité à incarner l’ONG et la cause, tout en maintenant une nécessaire distance au rôle. Ce travail exige donc un travail émotionnel complexe, individuel et collectif, analysé ici grâce à une enquête ethnographique menée en France et au Canada parmi ces recruteurs.For fifteen years, the world’s leading NGOs have used street fundraisers everywhere they operate. Working in the street or going door-to-door, fundraisers are usually trained and paid by the NGOs’ subcontractor agencies. The individuals themselves view their activity as a personal commitment, with all the values this implies. They also see it, however, as paid work, which intimates quantitative results. These two dimensions are the source of a great deal of tension relating to the legitimacy of the commercial techniques used to approach people and to the structure of social groups encompassing a range of relationships (including friendship, activism and professionalism). Above all, it is hard to merge an NGO with its cause while keeping one’s distance from the role this involves. Complex emotional work is required here at an individual and group level – something analysed in the present article by means of an ethnographic study of street fundraisers in France and Canada.Desde hace aproximadamente quince años, las grandes ONG internacionales trabajan por intermedio de reclutadores de donantes en varios continentes. Activos en la calle e incluso de puerta en puerta, reciben formación y son remunerados a menudo por agencias para las cuales las ONG subcontratan el programa. Esos reclutadores muchas veces viven su actividad como una forma de compromiso militante basado en valores y a la vez como un trabajo remunerado sujeto a objetivos cuantificados. En la articulación entre esas dos dimensiones actúan muchas tensiones, ya sea que se refieran a la legitimidad de las técnicas comerciales de solicitación o a la estructuración de colectivos donde se entretejen relaciones de amistad, militantes y profesionales. La dificultad tiene que ver sobre todo con la capacidad de encarnar a la ONG y a la causa y al mismo tiempo mantener una distancia necesaria en relación con el papel. Ese trabajo exige entonces un trabajo emocional complejo, individual y colectivo, que aquí se analiza a través de un estudio etnográfico realizado en Francia y en Canadá entre esos reclutadores