Liberté de circulation et gouvernance mondiale des migrations

Les politiques migratoires ont connu, depuis environ deux décennies, un processus d’internationalisation, qui les voit être débattues dans des structures intergouvernementales (Organisation des Nations Unies et organisations internationales notamment) et devenir ainsi un enjeu de ce que ces institutions qualifient souvent de « gouvernance mondiale ». Ces débats se caractérisent par une tonalité pro-immigration (pour des raisons démographiques et économiques), ainsi que par l’ambition de refonder les politiques migratoires sur la base de principes universels (comme le développement ou les droits de l’homme). La liberté de circulation n’y apparaît cependant pas, et n’est même pas reconnue comme un scénario digne d’être mentionné. Cet article émet l’hypothèse que, s’il existe des raisons politiques évidentes qui empêchent des organisations intergouvernementales de remettre en cause la souveraineté des États, cette omission relève également de deux biais qui caractérisent les débats internationaux sur les migrations. Un biais utilitariste d’abord, qui n’aborde pas la mobilité comme un droit mais comme une stratégie (de réduction de la pauvreté dans les pays de départ, et de croissance dans les pays de destination). Un biais sédentariste ensuite, qui célèbre et encourage la mobilité, mais sans remettre en cause le lien entre les migrants et leur pays d’origine. Dans les deux cas, la possibilité du choix de migrer comme une décision autonome relevant de la liberté de circuler n’est pas prise en compte. Il s’ensuit que la mobilité reste un objet de contrôle, qui doit être normativement discipliné et encadré.Over the last two decades, migration policies have been the object of growing attention at the international level. Debates over ‘global migration governance’ display a pro-immigration stance (for economic and demographic reasons) and ambition to ground migration policy into universal principles (like development or human rights). Yet, freedom of movement never appears in these debates. This article argues that, even if international organizations have obvious reasons to avoid challenging state sovereignty over the admission of foreigners, this omission also reflects two biases that characterize international migration policy debates. The first is a utilitarian bias, which views mobility not as a right but as a strategy (towards poverty-reduction in sending countries, and growth in receiving regions). The second is a sedentary bias, which encourages mobility but without questioning the relationship between migrants and their country of origin. Both biases ignore the possibility of an autonomous migration project, based on the freedom to move. It follows that mobility remains an object of control that must be normatively framed and disciplined