Un « alien » dans le cerveau. Expérience sociale de la maladie mentale et idiome naturaliste des neurosciences

Dans cet article, j’interroge les enjeux anthropologiques soulevés par la diffusion du discours naturaliste des neurosciences dans les sociétés contemporaines et l’idée qu’il offrirait aux individus une nouvelle manière de se penser et de se définir selon le cerveau et son fonctionnement. Pour cela, je décris les logiques selon lesquelles des personnes souffrant d’un trouble obsessionnel compulsif s’approprient des explications cognitives ou biologiques pour rendre compte de leur expérience de la maladie. J’avance l’idée que ces explications sont un idiome que les personnes mobilisent pour les registres d’action qu’il leur offre afin de reprendre le contrôle de leur trajectoire, d’agir sur leur environnement et de négocier les contraintes de la maladie. Plus que la construction d’une forme de vie fondée sur le biologique, ce langage s’inscrit dans des dispositifs qui le diffusent en écho des idéaux politiques et éthiques de la démocratie sanitaire et de l’empowerment. L’ensemble participe à construire la figure d’un individu souffrant d’un trouble psychiatrique qui pourrait agir sur son cerveau pour redevenir acteur de sa santé et rejoindre la communauté des citoyens.In this article, I explore the anthropological questions raised by the diffusion of the neuroscience naturalistic discourse in contemporary societies and the new possibilities offered to individuals to think about and to define themselves through the brain and its functioning. For this purpose, I describe how people suffering from obsessive-compulsive disorder use cognitive or biological discourses to explain their disease experience. These explanations can be seen as an idiom opening a set of actions that allows people to take control of their trajectory, to modify their environment, and to negotiate the disease and its constraints. More than a new form of life built on biological basis, this language is part of a broader framework, which spreads it echoing health democracy and political and ethical ideals of empowerment. All of this helps in shaping an individual suffering from a psychiatric disorder who could act on his brain in order to control his health and regain the community of citizens