Questions insolites sur Athéna, l’olivier domestique et la culture mycénienne

Cet article s’inscrit dans le cadre d’une recherche au long cours sur l’Athéna des Athéniens. C’est, en pays grec, la seule Athéna à être, à la fois, une parthenos à l’olivier domestique (elaia) et une poliade, fondatrice et maîtresse du territoire et de ses habitants. Cette singularité est d’autant plus surprenante que les Olympiens poliades ne sont pas fondateurs de cité. Athéna est installée sur l’Acropole dès l’émergence de la cité : les partisans de Kylon viennent trouver refuge auprès d’elle. Est-elle déjà la fondatrice à l’olivier domestique ? Sa singularité pourrait-elle être en relation avec son passé ? Une potnia (maîtresse) d’Athana appartient en effet au polythéisme de Cnossos et l’olivier est domestiqué sur les bords de l’Égée depuis le Chalcolithique. Question insolite s’il en est ! Les problématiques qui essayèrent d’établir une continuité entre les polythéismes du IIe et du Ier millénaire par-delà « les siècles obscurs » ont, depuis longtemps, été laissées au bord du chemin au nom de la rupture archéologique entre la Grèce des palais et celle des cités. C’est mésestimer, me semble-t-il, le fait que la culture – qui ne se réduit pas à sa dimension « culturelle » – n’a pas besoin de « vestiges tangibles » et de l’écriture pour se pérenniser. Les savoir-faire et les techniques de production et de fabrication, comme les configurations symboliques et les croyances religieuses, appartiennent à la tradition et se sont transmis très longtemps, comme dit M. Detienne, « par la bouche et par l’oreille ». Est-il possible d’envisager que, portée par la tradition qui l’a continuellement réorganisée et « resémantisée » selon le contexte historique de son énonciation, la figure de la Poliade à l’olivier puisse avoir un substrat palatial ? Cet article se bornera à suggérer qu’une déesse qui ressemble à Athéna et l’olivier domestique sont présents dans la culture mycénienne.This paper is part of a long-distance research on the Athena of the Athenians. In the Greek area, she is the only one to be at the same time a parthenos tied with bound to the domestic olive tree (elaia) and a poliad goddess, who founded and ruled the territory and its inhabitants. Such a singularity is even more surprising in as much as the Olympian gods, with a poliad dimension, do not found any city. Athena settled on the Acropolis since the emergence of the polis: Kylon’s followers found refuge beside her. Is she by that time already the divine founder bound to the domestic olive tree? Does it make sense to connect this singularity with her past? A potnia (mistress, lady) of Athana belongs in fact to the polytheism of Cnossos and the olive tree is domesticated on the Aegean shores since the Chalcolithic. Unusual questions indeed! The analysis which tried to establish a continuity between the polytheisms of the second and first millennia BC, beyond the “dark ages” has been so far neglected on behalf of the archeological rupture between the period of the palaces and the period of the poleis. But one should keep in mind that a culture – which should not be reduced to its “cultural” dimension – does not need neither “tangible traces” nor literacy to persist. The expertise and the techniques of production and fabrication, as well as the symbolic configurations and the religious beliefs, belong to a tradition and can be transmitted for a long time, “through the mouth and the ear”, according to Marcel Detienne’s expression. Thus the point is: can we consider the possibility that the figure of the Poliad goddess bound to the olive tree has a palatial substrate, and that, supported by a strong tradition, she was reorganized and redefined according to the historical context of her mention? This paper simply aims at suggesting that a goddess who looks like Athena and the domestic olive tree are present in the Mycenaean culture