Robert Merle théoricien et praticien de la politique-fiction

Dans les années soixante-dix, et en pleine guerre froide, se développe dans les pays anglo-saxons, un genre méconnu et souvent qualifié d’« hybride », la politique-fiction. Robert Merle sera le premier français à se faire critique, théoricien – et praticien – de ce genre. Dans un numéro spécial du Monde, daté d’octobre 1967, et alors même qu’il vient d’achever son roman Un Animal doué de raison, il présente les règles d’or de la politique-fiction : une anticipation de faible amplitude permettant d’instaurer une ou des variables minimes par rapport au présent de l’écriture ; une visée critique qui en fait un genre sérieux, lanceur d’alerte et révélateur de l’angoisse planétaire qui étreint l’homme de cette seconde moitié du XXe siècle. Mais la politique-fiction merlienne se démarque de la production américaine : elle repose sur une anticipation scientifique ; elle se refuse à l’optimisme de commande, au happy end ; et aussi, surtout, elle possède une portée philosophique qui assure sa pérennité.In the 70’s, in the midst of the Cold War, a literary genre, both disregarded and often described as "hybrid”, – political fiction – develops in Anglo-Saxon countries. Robert Merle is the first literary critic, theorist and practitioner of this genre in France. As he has just finished his novel The Day of the Dolphin, Merle lays out, in a special issue of Le Monde in October 1967, the golden rules of political fiction: a short-term anticipation which introduces one or several minor variables, a critical vision in keeping with a serious genre, which reveals and alerts against the planetary anguish that grips mankind in the second half of the twentieth century. But Merle’s political fiction differs from its American counterpart: it is based on scientific advance; it rejects all false and artificial optimism, all happy endings; and, first and foremost, it has a philosophical reach that makes it long-lasting