L’utilisation politique du langage moral de la reconnaissance : une neutralisation du concept de discrimination ?

Cet article propose une analyse socio-historique du déplacement définitionnel du concept de discrimination. Il s’appuie sur deux recherches portant sur le processus de reconnaissance des couples homosexuels et la lutte contre le sida en Suisse. Plus concrètement, il montre que ce déplacement définitionnel, partant du droit puis transformé et véhiculé par de nombreuses recherches en sciences sociales dans le contexte de la lutte contre le sida, a une conséquence politique de taille : une fois aux mains du législateur, le concept de discrimination participe indirectement à amoindrir l’exigence d’une pleine application du principe d’égalité dans les réformes législatives sur l’institutionnalisation des couples homosexuels. En effet, la compréhension politique du concept de discrimination par le législateur suisse se fait sous le registre de la reconnaissance qui n’a pas la force juridique du concept de discrimination.This article uses a socio-historical approach to analyze the displacement in the definitions of the concept of discrimination. Based on two case-studies dealing with the process of recognition of same-sex couples and the struggle against AIDS in Switzerland, this article highlights that this displacement, starting with a legal definition then transformed and conveyed by social science research, had a significant impact: once in the hands of lawmakers, the concept of discrimination indirectly undercuts the equality principles in legal reforms concerning the same-sex couples institutionalization. The way Swiss lawmakers understand the concept of discrimination relies on the register of recognition, which doesn’t hold the legal force of the concept of discrimination