À la recherche du « cas » perdu : la problématique de l’origine dans les récits de la vérole

La vérole s’épanouit à la rencontre entre un déterminisme humoral idiosyncrasique et un mal collectif, entre ce qui ressort de soi et ce qui est imposé par une entité extérieure. En révélant une zone d’indistinction entre ce qui relève de l’histoire singulière et ce que conditionnent des corps et des éléments étrangers, elle complexifie la recherche du cas originel, à laquelle s’attellent tous les nombreux traités consacrés à cette maladie. Cette étude se penche d’abord sur la quête difficile, vouée à l’échec, du premier cas qui déclencha l’épidémie en Europe, puis sur l’herméneutique propre que requièrent les cas de Mal français dès lors qu’il s’agit pour le praticien de reconstituer la dynamique du processus de contagion. Le projet de faire l’histoire de cette maladie ou de l’une de ses occurrences particulières conduit soit à dire l’impossibilité d’un tel récit, soit à opérer une révélation qui démasque ceux qui dissimulent la maladie. Or c’est précisément cette étiologie difficile qui devient matière de choix pour le « récit littéraire », tel que peut le pratiquer par exemple la sage-femme Louise Bourgeois. Du fait même qu’elle est si difficile à historiciser, à identifier et à traiter, la vérole devient un véritable opérateur discursif.Syphilis blossoms at the intersection between an idiosyncratic humoral determinism and a public illness, between that which originates from the self and that imposed by an exterior force. Revealing a zone of indisctinction between that which belongs to a specific personal history and that which affects other bodies and elements, the disease complicates the search for the original case, to which all the numerous treatises dealing with this illness are dedicated. This study first focuses on the difficult quest, doomed to failure from the start, for the first case triggering the epidemic in Europe. Next, the specific hermeneutics, which cases of the French disease called for, will be examined, for the practitioner had to reconstruct the dynamics of contagion. The project of writing the history of this illness or of one of its specific occurrences confronts us either with the impossibility of such an account or entails a revelation, unmasking those who are concealing the said illness. Yet it is precisely this difficult etiology which becomes a preferred subject for the “literary account” and which individuals such as the midwife Louise Bourgeois are able to undertake. Through the very fact that it is so difficult to historicize, identify and treat, syphilis becomes a discursive agent in its own right