Femmes militaires dans un contexte d’armée de milice « sans conflit » : quelles logiques d’engagement ?

Aujourd’hui encore, l’Armée suisse repose sur un système de milice et d’obligation de servir pour les hommes. Les femmes ont, elles, la possibilité de s’y engager sur un mode volontaire mais demeurent cependant fortement minoritaires (0,6%). Dans le cadre d’un pays qui se veut neutre et où les femmes ne sont pas vraiment encouragées à rejoindre les rangs militaires, on cherche ici à comprendre les logiques à l’origine de cet engagement que l’on peut considérer comme atypique. Après avoir exploré nos données quantitatives mettant au jour les registres des motifs de cette entrée dans le monde militaire, le recours à des entretiens biographiques nous permettra de comprendre plus précisément les logiques de l’engagement, en mobilisant notamment le concept de socialisation sexuée et la question des rapports aux catégories de sexe. Nous verrons alors que l’incorporation antérieure de la différenciation et de la hiérarchisation entre les sexes joue un rôle important, quand bien même l’engagement militaire de femmes pourrait être d’abord perçu comme une transgression des normes de genre.The Swiss Army is still based on a militia system with a compulsory military service for every Swiss male citizen. Swiss women can voluntarily join the army but are still only a very small minority (0,6%). In the context of a « neutral » country where women are not particularly encouraged to join the military units, we are looking to understand the logics of this commitment that can be considered as atypical. After having first explored our quantitative data revealing the rhetorics of motives for this entry into the military world, the use of biographical interviews will allow us to understand more precisely the logics of commitment by mobilizing the concept of gendered socialization and the question of the relationships with sex categories. We will then see that an earlier incorporation of differentiation and hierarchy between genders plays an important part, even if women’s enrollment in the army could be first perceived as a transgression of gender norms