La gare comme espace des cérémonials publics. Le cas de la gare de Ploieşti en Roumanie

La gare de Ploieşti n’est pas une gare comme les autres dans la Roumanie du dernier quart du xixe siècle. Carrefour névralgique d’un royaume constitué en 1881, elle est un lieu emblématique de la modernisation du pays, créé et fréquemment visité par Charles Ier, premier souverain roumain. On s’intéresse dans un premier temps à la matérialité et à l’environnement d’un lieu de prestige et de luxe, mais aussi de contraste entre Orient et Occident, où s’accomplit avec une relative brutalité un processus d’ingénierie sociale dont l’industrie ferroviaire est le levier. On s’attache ensuite à décrire les coulisses d’un véritable spectacle, d’abord ferroviaire mais aussi politique, dont la gare est le théâtre lors des grandes cérémonies qui marquent le passage de personnalités de premier rang (famille royale, souverains étrangers) mais aussi de personnages politiques plus modestes. Alors, les masses sont conviées à rejoindre les élites mobilisées pour l’événement et Ploieşti offre un observatoire privilégié des représentations, rituels, échanges, tensions qui dominent la vie politique de la monarchie. Ces événements, routiniers ou exceptionnels (venue du Tsar en 1877), assurent la médiation entre dirigeants et populations à une époque durant laquelle la société roumaine est confrontée à une modernisation accélérée qui est objet de fierté mais heurte, précisément dans cet environnement urbain, une culture encore largement rurale.In Romania, during the last quarter of the 19th Century, the Ploieşti railway station is not a station like any other. Crucial crossroad in the middle of a Kingdom established in 1881, it is a prominent place of the modernization of the country, created and frequently visited by Charles I, first and iconic Romanian ruler. We focus initially on the materiality and environment of a place of prestige and luxury, which is as well a place of contrast between the Eastern world and Western world. There is the place where a rather dramatic social process of which the rail industry is the lever is occurring. We describe later the backstage of an authentic public spectacle, where the trains but also the political elites play their part. Indeed, the station becomes a theatre during the important ceremonials organised for leading characters (Royal family, foreign sovereigns), but also less prominent politicians. Then, the masses are invited to participate and join the elites mobilised for the event and Ploieşti offers a privileged observatory of representations, rituals, exchanges, tensions which dominate the political life of the monarchy. These events, marked by routine or of an exceptional nature (visits of the Tsar in 1877), ensure a relationship between leaders and populations at a time during which Romanian society is facing an accelerated modernization, which is an object of pride but also of conflict, precisely in this urban environment, with a culture which still remains rural