Le temps des fils

Après la Seconde Guerre mondiale, le rapport aux figures paternelles (Père, Patrie, Dieu) se trouve bouleversé : non plus d’abord figures protectrices ni figures d’autorité mais figures absentes, ou même, au pire, relais du Mal : les exterminations ont remis en cause la bonté et l’existence même de Dieu et les fils qui, au siècle précédent, se révoltaient au nom de la liberté, de la justice et de l’égalité, ne sont plus aussi sûrs de détenir les clés de l’avenir. Cet article choisit de traiter d’une histoire biblique des rapports fils-père, une histoire qui a, dès l’origine, suscité l’interrogation et même l’incompréhension des exégètes, des croyants et des simples lecteurs : celle du premier Patriarche Abraham et de son fils Isaac.Après l’étude de quelques textes en prose (essentiellement de Rudnicki et de Herling-Grudziński) et de poèmes (de Szymborska et de Herbert), on peut affirmer que l’Histoire est bien l’un des enjeux majeurs des reprises polonaises du récit mythique du sacrifice d’Isaac : à côté des « Souvenirs » et des « Journaux », la médiation du « mythe » permet à Rudnicki et à Herling d’interroger l’horreur en dépassant le témoignage. Et, par le biais du « je » lyrique qui assimile le poète contemporain à l’enfant sacrifié, Szymborska et Herbert vont même jusqu’au bout de cette relecture.After the WW2, the relation with paternal figures (Father, Homeland, God) has been disrupted: no more were they protectors or authoritative figures, but they were absent figures or even handed over the Evil: exterminations brought under question the goodness and the existence of God. The sons who were rioting in the past century in the name of liberty, justice and equality, are no more sure that they hold the keys to the future. This article analyses a Biblical story about father-son relations, a story that, from the beginning, gave rise to questions and even to miscomprehension among exegetes, believers and readers: the story of the first Patriarch, Abraham, and his son Isaac.The study of a few texts in prose (essentially Rudnicki and Herling Gruzdiński) and in verse (Szymborska and Herbert) leads to conclusion that the History is one of the major issues in these new glosses on the mythical story of Isaac sacrifice: besides “Memories” and “Journals”, the mediation of myth allows Rudnicki and Herling to face the horror beyond testimony. Assimilating the contemporary poet with the sacrificed child thanks to the lyric I, Szymborska and Herbert follow this rereading through