L'immunité à médiation cellulaire dans l'amiantose : étude d'un facteur inhibiteur de la croissance de fibroblastes pulmonaires (FGIF)

Plusieurs études indiquent que l'immunité à médiation cellulaire peut jouer un rôle important dans les pathologies du tissu conjonctif caractérisées par une fibrose telle que l'amiantose. Après l'inhalation des fibres d'amiante, les premières lésions pulmonaires occasionnées, sont caractérisées par une infiltration de monocytes et de lymphocytes et ces cellules sont fréquemment retrouvées à proximité des fibroblastes au site de réparation tissulaire. De plus, plusieurs évidences suggèrent que les cellules inflammatoires peuvent moduler plusieurs fonctions des fibroblastes incluant la prolifération. Afin d'obtenir plus d'informations concernant le rôle de l'immunité à médiation cellulaire dans le développement de la fibrose induite par l'amiante, nous avons étudié l'effet de l'amiante in vivo et in vitro sur la production d'une lymphokine capable d'inhiber la croissance des fibroblastes pulmonaires en culture. Pour ce, nous avons utilisé un protocole expérimental in vitro où les surnageants des leucocytes mononucléaires du sang périphérique (PBML) sont incubés en présence d'une culture de fibroblastes pulmonaires (WI-38). L'effet de l'amiante sur les PBML a été expérimenté in vitro en l'additionnant directement aux cultures et in vivo dans un modèle expérimental d'amiantose chez le rat. De ces expériences, se sont dégagés les résultats suivants: 1) les PBML, provenant de donneurs normaux, stimulés avec la Con A ou la PHA produisent un facteur soluble capable d'inhiber la croissance des fibroblastes en culture par un effet non cytotoxique. 2) les préparations enrichies de lymphocytes relâchent des quantités significativement plus élevées de facteurs d'inhibition de la croissance des fibroblastes (FGIF), tandis que les milieux provenant des monocytes ne contiennent pas d'activité similaire. 3) le FGIF est non-dialysable, stable à 56°C et partiellement digéré par la trypsine, ce qui lui confère les propriétés d'un polypeptide. 4) lorsque les PBML sont incubés en présence d'une faible concentration de chrysotile B (5-25 µg/ml), nous observons une suppression significative de la production de FGIF. 5) des expériences effectuées chez un modèle expérimental d'amiantose indiquent que les lymphocytes provenant des rats amiantosés produisent des quantités équivalentes de FGIF 1 mois après l'exposition à l'amiante, tandis qu'à 3 et 6 mois, la production du facteur inhibiteur de la croissance est significativement diminuée. 6) des coupes histologiques des poumons de ces animaux révèlent la présence de lésions fibrotiques 1 mois après l'exposition à l'amiante, et ces lésions persistent après 3 et 6 mois. Ces résultats indiquent que les lymphocytes stimulés produisent un facteur soluble capable d'inhiber la prolifération des fibroblastes et la présence d'amiante in vitro et in vivo peut interférer dans ce processus. La suppression observée in vitro pourrait résulter d'un effet cytotoxique sélectif de l'amiante sur les monocytes qui jouent normalement le rôle de cellule accessoire dans la production de lymphokines. La nature exacte de cette molécule n'a pas encore été élucidée, mais elle pourrait correspondre à des facteurs lymphocytaires déjà connus comme l'a-lymphotoxine ou l'interféron. L'implication de la suppression de FGIF dans le développement de l'amiantose est encore incertain. Il est possible que la suppression de FGIF contribue à amplifier la réaction de fibrose en interférant avec les processus normaux de réparation et permettre ainsi la croissance désordonnée des cellules productrices de collagène