Problématique médicale et sociale d'une vague migratoire nouvelle sur Briançon : bilan d'une année de prise en charge et vécus des parcours de soins

Introduction and hypothesis: Since 2015, the Briançon valley has been the site of a major migratory influx. Located on the Franco-Italian border in the heart of the Alps, the city of Briançon welcomes and cares for this significant migrant community. The health needs of newcomers are specific, multiple, have no prior description and constitute a genuine public health challenge. Briançon's Access to Health Care Centre (PASS), created in 2017, manages their health-care demands in conjunction with associative networks.This cross-sectional study, both quantitative and qualitative in nature, aims to describe the health status and requirements of migrants in border areas, in order to encourage future reflections on the objectives of PASS in the local area.Material and method: A quantitative, retrospective, observational survey, conducted from May 2017 to October 2018 and based on the data from 2,198 files at the main health-care sites (PASS, emergency unit, associations), collected ages, origins and objectified pathologies of migrant patients.A qualitative survey carried out in September and October 2018 at community centres aimed to explore representations of points of view, experiences of health-care services of newcomers and the public's own expectations for health care.Results: Of the 2,198 newcomers, who were mostly from Sub-Saharan Africa (98.3%), the majority (36%) had traumatic diseases, mostly caused by border crossings. Infectious pathology was the third reason for seeking health care (15.8%), but communicable infectious diseases were insufficiently evaluated, mainly because of those for whom follow-up was not possible. Mental health issues affected only a minority, of 3%. Fifteen semi-structured interviews were conducted with patients of diverse age, sex and origin, and representative of the source population. The interviews revealed the importance of the cultural approach during consultations, in order to shape representations and the use of care. The expression of mental suffering is complex, the European concept of psychotherapy not being accepted or perceived of as a solution for newcomers. Somatization, which is frequent, is one explanation for this problem. The difficulty of accessing health-care services in Italy leads to departures to France. The main expectation of newcomers is to be reassured about their health status through a medical consultation. Conclusion: Permanent care attendance (PASS) is appropriate for primary care, but is lacking in the areas of communicable disease prevention and mental health. It is therefore necessary to strengthen prevention for newcomers, but also to train and raise awareness among the caregivers involved in the problems that are specific to this community, and to take account of psychological suffering in all its forms by addressing it in an appropriate way.Introduction : depuis 2015, la vallée du Briançonnais est le siège d’un afflux migratoire majeur, la ville de Briançon, au cœur des Alpes, située à la frontière franco-italienne, accueille et soigne cette population migrante importante. Les besoins sanitaires des primo-arrivants sont spécifiques, multiples, jusqu’alors non décrits et constituent de réels enjeux de santé publique.Une étude transversale à la fois quantitative et qualitative vise à dresser un état des lieux sur la santé et les besoins en santé des migrants en zone frontalière.Matériel et méthode : une enquête quantitative, rétrospective, observationnelle, réalisée de mai 2017 à octobre 2018, d’après 2198 dossiers de patients migrants consultant sur les principaux lieux de soins (permanence d’accès aux soins, urgences, associations) a recueilli l’âge, l’origine et les pathologies objectivées.Une enquête qualitative réalisée en septembre et octobre 2018, sur les lieux associatifs, visait à explorer du point de vue des primo-arrivants, les représentations, les vécus du parcours de soins, et les attentes propres à ce public.Résultats : les résultats quantitatifs montrent une majeure partie de pathologie traumatique (35,9% IC95% [32,86; 36,84]) principalement en lien avec le passage transfrontalier. La pathologie infectieuse est le troisième motif de recours aux soins (15,8% IC95% [14,53 ; 17,60]) mais les maladies infectieuses transmissibles sont insuffisamment évaluées du fait des perdus de vue. La santé mentale est sous-évaluée 3% IC95% [2,09 ; 3,46]. Quinze entretiens ont été réalisés, les patients interrogés avaient des profils diversifiés sur l’âge, le sexe, l’origine, mais représentatifs de la population source. Les entretiens révèlent l’importance de l’approche culturelle dans la consultation ; elle façonne les représentations et le recours aux soins. L’expression de la souffrance mentale est complexe, le concept européen de psychothérapie est non admis ni forcément perçu comme une solution pour les primo-arrivants. La somatisation, fréquente, serait une explication à cette problématique. Le vécu des parcours de soins en Italie amène aux départs vers la France. L’attente principale des primo-arrivants est d’être rassuré sur leur état de santé par une consultation médicale. Conclusion : la permanence d’accès aux soins (PASS) de Briançon est adaptée pour les soins primaires et la prise en charge des pathologies de l’appareil locomoteur prépondérantes en zone frontalière ; mais fait défaut dans le domaine de la santé mentale et dans la prévention des maladies transmissibles. Aussi est-il nécessaire de renforcer la prévention auprès des primo-arrivants, mais également de sensibiliser les soignants impliqués à considérer la souffrance psychique sous toutes ses formes et à l’appréhender de manière adaptée