L’usage des sens dans deux diptyques de la querelle des femmes en Angleterre (1540-1589)

Cet article vise à démontrer que les sens sont convoqués dans le débat sur l’égalité / inégalité des sexes appelée « querelle des femmes ». Il s’appuie sur deux diptyques du début de la période moderne, qui se composent chacun d’une attaque et d’une défense du sexe féminin. Le premier ensemble a été imprimé au début des années 1540 par le même auteur Edward Gosynhill (The Schoolhouse of Women, The Prayse of All Women). Le second a été recomposé en présupposant que le pamphlet de Jane Anger, Her Protection for Women, pouvait être une réponse à la mise en garde à Philautus (« A Cooling Card for Philautus ») qui figure dans Euphues : The Anatomy of Wit de John Lyly. Les cinq sens sont omniprésents dans ces quatre textes et cet article entend clarifier comment la hiérarchie des sexes que chacun d’eux soutient met à contribution la hiérarchie des sens telle qu’elle était conçue à la période Tudor. Il s’intéresse dans un premier temps à la manière dont les attaques comme les défenses s’approprient le postulat selon lequel les sens sont féminins, contrairement à la raison considérée comme masculine, mais également celui qui polarise la sensorialité basse du côté des femmes et la sensorialité haute, notamment la vue et l’ouïe, du côté des hommes. Les deux controverses remettent en question ces théories et envisagent les rapports sociaux de sexe sous un nouvel angle à l’aide des cinq sens.This paper intends to demonstrate that the senses are part of the debate about the equality / inequality of the sexes known as the “Querelle des femmes”. It is based on two diptychs of the early modern period, each composed of an attack and a defence of the female sex. The first set was published in the early 1540s by the same author, Edward Gosynhill (The Schoolhouse of Women, The Prayse of All Women). The second has been recomposed on the basis that Jane Anger’s Protection for Women could be an answer to the “Cooling Card for Philautus”, which is part of John Lyly’s Euphues: The Anatomy of Wit. The five senses are omnipresent in the four texts and this paper aims at clarifying how the gender hierarchy each of them supports puts to use the hierarchy of the senses as it was conceived in the Tudor period. It first looks at the way both attacks and defences deal with the early modern assumption that the senses were feminine and opposed to reason considered as a male attribute, but also that the lower senses were typed as feminine while the higher senses of sight and hearing were typed as masculine. Both debates challenge these beliefs and envisage gender relations in different ways that the senses help comprehend