Quantifier et mettre en crise la dette souveraine

Cet article étudie différents sites empiriques au sein desquels se déploient des techniques de quantification des dettes publiques : enregistrements comptables, scénarios de soutenabilité future des finances publiques et notations financières. Incorporés dans le jeu politique, ces indicateurs ont la capacité de déstabiliser les politiques gouvernementales, mais aussi de mettre en crise les dettes souveraines. Plus qu’un miroir passif de la réalité, les techniques de mesure de la dette publique façonnent la valeur de l’État, son prix mais aussi ce qu’il vaut sur un plan comptable, financier et économique, lui attribuent des causes politiques à défendre en priorité, dont la sacralisation du remboursement à la valeur « réelle » des créanciers, et contribuent à fixer le débat autour d’un diagnostic alarmant sur la « crise » des comptes publics et sociaux.This article explores different empirical sites where public debt techniques of quantification operate: entries in the accounts, scenarios of budgetary sustainability, and sovereign ratings. Embedded in the political game, these indicators have the potential to destabilize government policies, but also to perform sovereign debt crises. More than a passive mirror of reality, public debt measurement techniques shape the state’s value, that is, its price but also what it is worth on the accounting, financial and economic level. They also prioritize the state’s political objectives, for example sanctifying creditors’ repayment at real value, and contribute to setting the agenda around an alarming diagnosis of the “crisis” of public and social accounts