Impacts et limites de l’auto-prise en charge médicale des médecins généralistes : étude qualitative dans les Bouches-du-Rhône

Introduction : Le médecin généraliste est le pivot de la prise en charge médicale des patients. Dans le contexte de précarisation de la démographie médicale, la santé physique et morale de ces praticiens apparait comme un enjeu de santé publique. L’Ordre des Médecins alertait sur la vision parfois déformée qu’un médecin pouvait avoir de son état de santé, ce qui le menait parfois à se soigner de manière inadéquate. Notre objectif était donc d’étudier la prise en charge médicale des praticiens auto-déclarés comme médecin traitant, en s’interrogeant sur les impacts et les limites d’un tel choix.Matériel et méthodes : Nous avons réalisé une étude qualitative par entretiens semi-dirigés auprès de médecins généralistes exerçant dans les Bouches-du-Rhône. Les entretiens ont été enregistrés via un dictaphone numérique puis retranscrits sous la forme de verbatim, en respectant l’anonymat. Une analyse manuelle systématique a permis d’extraire du discours des médecins des mots-clés puis des notions, colligés dans des tableaux. Résultats : Au total, l’échantillon contenait vingt médecins de profils variés. Le choix de l’auto-suivi était souvent fait par facilité, mais si la plupart des médecins étaient satisfaits de leur état de santé, la moitié jugeaient leur auto-prise en charge comme inadéquate. Questionnés sur les impacts d’un épisode de maladie auquel ils avaient été confrontés, les médecins interrogés évoquaient les problématiques suivantes : retard de prise en charge, conscient ou non, recours difficile à l’arrêt-maladie, appréhension du diagnostic et démarche médicale parfois irrationnelle. Les principales limites décrites à un suivi optimal étaient le manque de temps, la subjectivité, la négligence et le manque d’empathie envers soi-même. La principale solution envisagée pour pallier ces limites était la désignation d’un autre médecin traitant.Discussion : La comparaison aux données de la littérature a permis une triangulation des données. Une ouverture était ensuite faite sur les solutions visant à améliorer le suivi des médecins, issues des recommandations du CNOM et de notre étude. Une réflexion était également centrée sur la confrontation du médecin à sa santé, en lien avec l’ambivalence du statut de médecin-malade, ainsi que sur les problématiques de l’arrêt-maladie et du manque de temps. Enfin, si la solution principale était la désignation d’un confrère, la complexité de l’interaction médecin-soignant / médecin-malade incitait à envisager l’intérêt d’une formation universitaire dédiée au suivi du professionnel de santé