La géoprospective, une rencontre entre géographie et prospective ?: Expérimentation sur les pêches maritimes du golfe de Gascogne

National audienceAvec les travaux de Fernand Braudel œuvrant pour le « récit des dynamiques de l’espace sur le temps long » du passé, l'histoire est intimement liée à la spatialité (Jacob-Rousseau, 2010). De la même manière, la prospective territoriale et la géoprospective illustrent la relation étroite qu'entretient la géographie avec la temporalité (Delamarre, 2002 ; Gourmelon et al., 2012).La prospective est une posture axée sur le ''temps long du futur'' qui vise à susciter du débat autour de devenirs possibles (Berger, 1967). L'intérêt de la prospective pour la recherche-action a été démontré dans les sciences de l'environnement et dans les sciences sociales (Mermet, 2005 ; Barbieri Masini et al., 1993). Ses principes méthodologiques sont également clairement identifiés (De Jouvenelle, 2004). En revanche, la question des possibilités et des modalités de spatialisation de la prospective avec les acteurs reste, malgré les récents développements, une question ouverte (Emsellem et al., 2012). En effet, l'état de l'art sur les démarches spatialisées de scénarisation révèle une tendance à l'utilisation d'outils complexes (Houet et Gourmelon, 2014). Ils interrogent directement la compatibilité entre les méthodes quantitatives et les méthodes participatives, notamment lorsqu'il s'agit de traduire le récit narratif en valeur numérique pour la simulation (Lardon et al., 2001 ; Houet et al., 2016).Trois constats motivent l'application de cette question au cas des pêches maritimes. Premièrement, la connaissance de leurs dimensions spatio-temporelles est aussi difficile que stratégique (Trouillet, 2015). Deuxièmement, cette connaissance est principalement mise en évidence par des outils statistiques (Mahévas, 2009). Troisièmement, le secteur est marqué par la remise en question de son système de gestion (Urquhart et al., 2014).Le protocole méthodologique mis en œuvre consiste en une série de cycles d'entretiens individuels et d'ateliers collectifs, respectant les différentes étapes de la prospective (i.e. diagnostic, hypothèses sur l'avenir, discussion des futurs possibles), au cours desquels des outils d'expression participatifs, tels que des cartes mentales ou des graphs d'influence, ont été mobilisés. Le discours et les débats d'acteurs ont été analysés à l'aide de grilles mettant en évidence les contenus spatio-temporels du récit. Enfin, les scénarios ont été simulés dans un modèle halieutique caractérisé par la flexibilité des hypothèses, des mailles spatiales et du pas de temps (Tissière et al., accepté).Les premiers résultats portent sur (i) la production d'Informations Géographiques au début du processus, permettant un état initial spatialisé ; (ii) l'explicitation de dynamiques spatiales dans les matériaux conjecturaux au milieu du processus ; (iii) la précarité de la participation lorsqu'il s'agit d'illustrer les scénarios par le modèle halieutique, au moment où le processus opère sa transition entre l'exploration et le projet.Cette démobilisation des acteurs à la fin du processus trouve des éléments d'explication pragmatiques, c'est-à-dire dans le fait que le temps des chercheurs n'est pas celui des acteurs, a fortiori lorsqu'ils sont navigants ou lorsqu'ils sont présents à titre bénévole (Trimble et al., 2014). D'autres facteurs explicatifs doivent être recherchés dans les représentations. Ainsi, si ''l'espace-support'' – soit l'espace de localisation des enjeux – et ''l'espace-agent'' – soit l'espace comme variable du système – semblent être parvenus à servir de dénominateurs communs entre les productions des acteurs et les outils experts d'une part et entre le temps présent et le temps futur d'autre part, ''l'espace-produit'' – soit l'espace symbolique, cognitif et critique – est de nature à être le facteur clivant du processus de géoprospective (Noucher, 2009). Cette troisième dimension spatiale est donc l'objet central de la réflexivité sur le protocole méthodologique mis en œuvre